Il était 7h30 ce mercredi 24 août. Et à l’intérieur des caravanes qui entourent le chapiteau du cirque dressé aux abords de la ville de Kénitra, se reposaient encore le patron et ses employés en prévision d’une longue journée de labeur. Rien ne pouvait perturber cette paisible matinée sinon la silhouette d’un jeune homme qui s’approchait des lieux d’un pas ferme.
Au début, intrigué, le vigile qui surveille les lieux pendant la nuit, s’est contenté de suivre l’intrus des yeux avant de l’aborder alors qu’il s’apprêtait à enjamber la clôture du cirque. Le jeune homme ne s’est guère montré intimidé, même lorsque le vigile lui a intimé l’ordre de quitter les lieux. Il a juste demandé, calmement et sur un ton avenant, à voir un certain Jilali, journalier et homme à tout faire au cirque.
L’agent de sécurité a d’abord refusé de répondre à sa requête, mais sur l’insistance du jeune homme qui lui a assuré que Jilali était son ami intime, il a fini par accepter . C’est ainsi que les deux amis, Jilali et Mokhtar (c’est le nom du jeune homme), ont pu se retrouver autours d’un verre de thé dans l’une des caravanes, plusieurs mois après que ce dernier, ancien employé du cirque, avaitquitté son travail dans des circonstances que les deux hommes ont bien évité d’évoquer.
Après avoir mis son ami en confiance, il lui a demandé de lui apporter un verre d’eau. Profitant de cette brève absence de Jilali, Mokhtar a entrepris de mettre en œuvre son plan macabre. Il connaissait la disposition des caravanes pour avoir déjà travaillé dans le cirque il y a un an et demi lorsqu’il s’était produit à Casablanca. Il s'est alors directement rendu à celle où se trouvait le fils du patron, Alessandro Lauciello, 18 ans, qui dormait encore d’un sommeil profond. En quelques instants et sans lui donner le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il l'a criblé de coups de couteau avant de l’achever en l’égorgeant. Une fois qu’il s’est assuré de la mort de sa victime, il s'est rendu à pas feutrés, le coutelas à la main, dans la caravane d’un couple d’animateurs originaires du Portugal.
Dans la pénombre de la caravane, il a pu distinguer les corps du couple et de leur jeune fils de 16 ans. Il a commencé par attaquer l’adolescent à qui il a asséné plusieurs coups de couteau au cou, aux épaules et au ventre, pour s’en prendre ensuite au père, 47 ans, qu’il a blessé à la tête alors que ce dernier tentait de défendre son enfant. Sous la force des coups, le père a chancelé avant de se renverser en arrière donnant à l’agresseur une marge pour attaquer l’épouse, 46 ans, qu’il a atteinte au cou et à la poitrine.
Les cris des victimes ont réveillé les autres membres de l’équipe dont le patron, Massimiliano Lauciello, 47 ans et marié à une Marocaine, qui s’est empressé d’aller voir ce qui se passait dans la caravane de la famille portugaise. Il s'est retrouvé, sur le seuil, nez à nez avec l’agresseur qui n’a pas hésité à lui assener des coups de couteau à la tête et au dos. Le beau-frère du patron, également alerté par les cris, a lui aussi couru porter secours aux victimes. Mais à son arrivée, Mokhtar, l’agresseur, avait déjà pris la fuite et avait disparu entre les chênes de la dense forêt de la Maâmora.
Réveillés par le vacarme, les autres membres de l’équipe ont découvert, à leur tour l’ampleur de la tragédie. Mais aucun d’entre eux ne pouvait imaginer qu’un ancien collègue qu’il avaient accueilli parmi eux et avec qui ils avaient partagé des moments difficiles et d’autres moins durs ait pu être à l’origine de ce drame. On apprendra plus tard que l'assassin avait même entretenu une relation amoureuse avec la belle-sœur du patron, avec qui il s’était fiancé. Mais ces fiançailles n’ont pas duré longtemps, ce qui s’est répercuté sur la qualité du travail de Mokhtar. Et il a naturellement fini par être renvoyé. Au cirque, on n’a plus entendu parler de lui pendant un an et demi, jusqu’à cette matinée.
Une fois alertées, les forces de l’ordre, tous corps confondus, ont été dépêchées sur place: la police judiciaire avec les équipes de la police technique et scientifique, les forces auxiliaires, les éléments de la gendarmerie, les pompiers et, bien sûr, les ambulances pour évacuer les blessés à l’hôpital. L’ambassadeur d’Italie au Maroc s’est également déplacé sur les lieux, ainsi que les agents de l’autorité locale à Kénitra.
Les quatre blessés ont été transportés à l’hôpital régional de Kénitra, trois ont été admis en soins intensifs alors que le quatrième ne présentait pas de blessures graves. Le journal a pu apprendre que les quatre ont été ensuite transportés dans une clinique privée à Rabat.
Selon le journal, si tout indique que le motif de cette agression est le désir de vengeance, la piste du terrorisme n’est pas à écarter. Selon ses sources, l’agresseur aurait été aidé par un complice, lui aussi ancien employé du cirque mais qui a été limogé à cause de ses convictions religieuses. Les deux personnes, rapporte le journal, auraient continué à se voir après leur renvoi du cirque.
Une fois sur place, les forces de l’ordre se sont mises à la recherche de l’agresseur, mettant en œuvre des moyens énormes. Au moins 300 éléments de la gendarmerie royale ont été mobilisés et appuyés par trois hélicoptères. Des éléments de la police judiciaire de Kénitra ont également participé à cette chasse à l’homme. Le meurtrier a été finalement appréhendé le lendemain, jeudi, à Casablanca.