Elle décroche le Bac au nom de sa sœur analphabète !

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Revue de presseKiosque 360. Une lycéenne dans la ville de Outat El Haj a décroché son baccalauréat au nom de sa sœur. Les douze années d’études n’ont pas été suffisantes pour prouver son identité scolaire, la transformant en une écolière « fantôme ». Récit.

Le 07/01/2015 à 06h47

C’est le quotidien arabophone Al Akhbar, daté du 7 janvier, qui relate cette histoire pour le moins étrange et qui ne date pas des années où l’exactitude des données personnelles ou administratives était une devise quasiment rare. Originaire d’une région enclavée et marginalisée dite Tadint Outat El Haj, la lycéenne en question a réussi le baccalauréat au nom de sa sœur aînée, rapporte le quotidien, ajoutant que les responsables au sein des établissements scolaires ont piètrement failli à leur responsabilité vis-à-vis de ce cas inouï, ce qui a compliqué davantage l’affaire et aggravé la souffrance de la lycéenne qui se trouve entre le marteau des conditions difficiles de la région et l’enclume de l'analphabétisme de son père.

Al Akhbar, qui a rencontré la fille, raconte que son père l’avait inscrit dans une école à Tadinet. Une opération qui nécessite normalement de fournir des documents administratifs. Etant donné que le père est analphabète, il a commis l’irréparable en inscrivant sa sœur ainée à sa place. C’était le début de la souffrance que Widad de son vrai nom, endurait tout au long de son cursus scolaire. Et de poursuivre que les enseignants l’appelaient par le nom de sa sœur et elle a, à maintes reprises, tenter de corriger cette erreur monumentale, mais elle n’y est pas arrivée. L’étape du primaire est passée sans aucun problème, puisque personne n’a fait attention à cette erreur dans l’inscription du nom réel de la fille.

Lorsqu’elle a atteint la 9-ème, le proviseur de l’établissement scolaire avait été surpris par son cas et entamé ses investigations en lui posant plusieurs questions sur le secret derrière cette erreur gravissime. « L’enquête menée par le proviseur a conclu que j’étudiais au nom de ma sœur, ce qui a constitué pour moi un véritable choc », a-t-elle raconté à la publication. Le proviseur avait ainsi demandé à son père de corriger l’erreur. « Mes souffrances ont alors commencé en frappant vainement les portes des ministères et des établissements d'enseignement », poursuit Widad, soulignant que les responsables rassuraient son père d’une solution rapide à ce problème. Rien n’en était après trois ans d’attente. Widad atteint alors la classe du baccalauréat.

La goutte qui a débordé le vase était sans doute la carte d’identité nationale (CIN). Celle-ci a été éditée sous son nom réel. Le jour de l'examen, le professeur lui avait demandé sa CIN. L’élève a été surprise par cette procédure réalisant ainsi que le fait de montrer sa CIN est synonyme du délit d’usurpation d’identité, qui est passible d’une peine d’emprisonnement et partant son expulsion définitive de l’établissement scolaire. Ce faisant, Widad a refusé de montrer sa CIN poussant l’enseignant à faire appel au Directeur et au provisoire qui l’ont, heureusement, rassuré que c’est bel et bien l’intéressée. Cet incident a fait perdre à Widad la concentration requise pour n’obtenir que la note de 12 sur 20 alors qu’elle avait eu 15 sur 20 dans l’examen régional.

Widad a obtenu le baccalauréat l'année 2014, ou plutôt c’était sa sœur aîné, qui n’a jamais mis les pieds à l’école, qui a décroché le diplôme, enchaine Al Akhbar, qui souligne que Widad n’a pas renoncé à son affaire en soumettant son cas à des associations de droits de l’Homme pour intervenir et rectifier l’erreur qui lui a coûté cher en la privant de l’inscription dans l’université. Selon Widad, le délégué provincial de Missour a demandé un document écrit au Directeur faisant état de l’existence d’une erreur. A son tour, le Directeur a sollicité une instruction du délégué pour rectifier la faute. Ni l’un ni l’autre n’ont pas parvenu à ajuster leurs cordes.

L’affaire a été portée devant le Procureur du roi près la cour de Missour qui n’a pas trouvé, selon les dires de Widad, une formule juridique pour corriger l’erreur. « Le procureur du roi m’a conseillé de délivrer à l’université un certificat d’authentification du prénom. Malheureusement, l’université de Fès a catégoriquement refusé mon inscription, arguant que le nom mentionné sur le diplôme du Baccalauréat doit obligatoirement être celui figurant sur la CIN », déplore-t-elle.

Par Hicham Alaoui
Le 07/01/2015 à 06h47