Un recensement de population n’est pas que question de chiffres, avec ce que cela implique en termes de précision. C’est en tout cas une vérité qui ressort, tous phares allumés et en klaxonnant, de cette première moitié de l’opération de recensement général de la population. Bien des quiproquos dignes d’un vaudeville ont émaillé cette opération, comme le souligne Al Akhbar, dans un dossier spécial week-end, à paraître dans sa livraison de ce 13 septembre. "A mi-chemin du déroulement du sixième recensement général de la population, du 1e au 20 septembre, Al Akhbar voudrait s’arrêter sur des incidents , tout ce qu’il y a d’insolite, ayant ponctué le parcours du commun des recenseurs", annonce le quotidien, qui présente un échantillon de croustillantes historiettes recueillies, ici et là, à travers le pays. Pour commencer, ce bourgeois "gentilhomme" (à ne surtout pas confondre avec celui de Molière), qui s’est permis de griller la politesse à ce recenseur infortuné. "Par un petit matin, je me suis dirigé vers une villa d’un quartier chic de Casablanca. Après avoir gentiment tapé à la porte, un monsieur, l’air hautain, ouvre en m’interrogeant du regard sur le pourquoi de ma visite. Je lui ai expliqué que j’étais un recenseur et lui ai demandé s’il pouvait m’accorder quelques instants pour répondre à mes questions", relate le recenseur, enseignant-chercheur de profession. Jusque-là, il n’y a rien de bien grave. A part, peut-être, que le propriétaire de la villa ne l’a pas vu de cet œil là. Coup de théâtre : le monsieur bon chic bon genre appelle son jardinier, déjà occupé à entretenir son coupe-gazon, pour le charger de répondre à sa place aux questions du recenseur resté de marbre ! Question à ce dédaigneux monsieur, qui semble ignorer l’abécédaire du patriotisme : Mais que vient faire cette vieille-nouvelle "Lutte des classes" dans une opération de recensement ? Une chose reste sûre : L’auteur du "Capital", Karl Marx, se serait retourné dans sa tombe !
Harcèlement textuel
Autre profil, autre gag. Lieu : un quartier populaire de Tétouan, qui aurait connu, toujours selon Al Akhbar, un incident des plus drôles. Pour la petite histoire, un recenseur dont le "délit", paraît-il, est d’être beau gosse. D’entrée, le "prince" rêvé trouve à son accueil une mère au foyer. Mais contre toute attente, c’est la fille et non la maman qui va se livrer au jeu des questions-réponses. Au début, tout semblait aller comme un charme jusqu’au moment où le vrai-faux Don Juan risque une question sur l’âge du frère de la "dulcinée". En guise de réponse : une pluie de coups de poing assénés au malheureux recenseur, assaisonnés d’un tombereau d’insultes crachées par le frère fou furieux. "Il voulait draguer ma sœur", a-t-il rugi. Perplexe, la mère tente de raisonner le fils, mais en vain. Ce dernier prend sa voiture et poursuit le pauvre recenseur quand bien même il aurait pris ses jambes à son cou ! Dur, dur, d’être beau et recenseur…
Le questionneur questionné !
"Un père de famille bat sa fille pour avoir menti sur le cachet du recensement", relève Al Akhbar. Interrogée sur ce qu’elle devait percevoir comme honoraires, la fille n’a visiblement pas bien tourné la question dans sa tête avant de répondre: 100 dirhams, la journée. La pauvre ne savait, peut-être, pas que le père avait plus d’un tour dans son sac. Suspicieux, il est allé poser la même question au compagnon de route de sa fille, qui sans réfléchir lui balance le montant exact des indemnités : 200 dirhams, la journée, c’est-à-dire le double de ce que devait prétendument toucher la fille. Conséquence, une véritable raclée administrée à la menteuse. Et ce n’est pas tout. "Les choses auraient bel et bien tourné au drame si la mère n’était pas intervenue pour calmer le furieux conjoint", écrit Al Khabar.
La liste des gags pourrait être allongée à l’infini : ce recenseur qui, attaqué par un pitbull, jette par terre son cartable, et laisse sa compagne de route à la merci de la bête canine ; cette bagarre entre le beau-fils et la belle-mère qui l’accuse de l’avoir ignorée dans ses réponses ; ce recenseur qui, le téléphone collé à l’oreille, se voit attaqué par un voleur qui lui fait les poches avant de lui arracher, sous la menace d’une arme blanche, son précieux cellulaire… En somme, des gags qui ne seraient pas entrés dans les "prévisions"' du Haut commissariat au plan.