Youssef Amrani lance la réflexion sur le rôle du diplomate dans l'ère post-Covid-19

Youssef Amrani.

Youssef Amrani. . SABC / Le360 (capture image vidéo)

Le monde de l’ère post-coronavirus ne sera plus le même. Et ce changement touchera la diplomatie et le rôle des diplomates. Youssef Amrani, ambassadeur du royaume à Pretoria, lance la réflexion dans une tribune libre publiée par «Le Point».

Le 25/04/2020 à 15h31

Dans cette tribune libre parue ce samedi 25 avril sur "lepoint.fr", le diplomate marocain commence par planter le décor. «Le coronavirus nous interpelle sur le fonctionnement d'une mondialisation où le multilatéralisme, comme communauté de valeurs et solidarité d'action, a fait preuve de lacunes. A l'heure où nous traversons une crise sanitaire sans précédent, le vent annonciateur du renouveau semble emporter sur son chemin les dogmes, les croyances et les fondamentaux “d'un système Monde” aux matrices aujourd'hui révolues», écrit Youssef Amrani.


Selon le diplomate marocain, «le monde est attaqué dans sa cohérence, aussi bien de fonctionnement que de configuration. Il ne peut et ne doit plus être régi uniquement par des rapports de forces. Les rapports de vulnérabilité dans l'interdépendance deviennent l'Alpha et l'Omega de toute ambition d'équilibre et de cohérence de l'échiquier international».

Pour l’ex-ministre délégué aux Affaires étrangères, la pandémie est une opportunité de revoir les schémas d'imbrication d'une «société monde» en phase avec son temps et conclut qu’«il ressort aujourd'hui que l'adaptation demeure le maître mot d'une diplomatie capable d'interagir avec les nouvelles réalités. Les contours de l'incertitude qui se dessinent doivent être pleinement pris en charge par une diplomatie proactive qui oriente son action, ses modes opératoires et ses objectifs dans une logique résolument stabilisatrice des équilibres mondiaux».

Dans cette nouvelle dynamique, estime l’ambassadeur marocain en Afrique du Sud, «le diplomate est désormais appelé à s'inscrire dans l'initiation, la réflexion et la concrétisation pour conceptualiser un Nouvel ordre mondial».

De l’urgence de l’anticipation«Sommes-nous à l'aube d'une redéfinition du rôle du diplomate dans le monde de l’après-corona?», s’interroge Youssef Amrani qui, par la même occasion apporte un début de réponse. «Rien n'est certain, mais tout laisse à penser que nous entrons dans une nouvelle ère. Que les changements qui découleront de la crise soient de degrés ou de nature, l'anticipation est de mise, les mobilisations de rigueur et la vigilance de circonstance», poursuit le diplomate marocain.

Selon Youssef Amrani, le diplomate sera appelé à «réadapter son rôle dans ce “nouveau système d'interaction” sous le spectre de la responsabilité et du devoir». «Protagoniste central d'un nouveau concept de mondialisation, le diplomate est appelé à s'adapter aux exigences d'une grille de lecture renouvelée des relations internationales. Le diplomate devra se faire plus que jamais l'avocat du multilatéralisme. Il est au service d'une mondialisation rationnelle et durable qui préserve l'humanité comme les équilibres internationaux».

«Si les logiques d'ouverture qui prévalaient hier étaient celles des libres circulations, aujourd'hui elles seront celles du compromis et de la mutualisation des efforts particuliers pour un bien général», conclut-il.

Youssef Amrani, lors de ce changement qui sera inéluctable appelle à tabler sur plusieurs principaux atouts: le «soft power», l’innovation et la capacité à s'appuyer efficacement sur les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de communication seront les attributs obligatoires des futurs diplomates. «Le diplomate devra élargir, selon l’auteur, le spectre de ses interlocuteurs en engageant de façon plus efficiente la Société Civile et les ONG qui sont désormais des acteurs incontournables et souvent déterminants dans les relations internationales».

Un plaidoyer pour l’Afrique

«L'Afrique est le Continent où l'on observera de la façon la plus éloquente ce changement de paradigme dans l'exercice de l'action diplomatique. Le défi pour les pays africains est bien réel et la capacité du Continent à prendre en charge sa destinée est aujourd'hui scrutée minutieusement», analyse Youssef Amrani pour qui l'Afrique post-corona sera substantiellement différente.

Le diplomate marocain relève «une véritable solidarité africaine (qui) se dessine et les ambitions d'unité comme de résilience (qui) sont aujourd'hui aux avant-gardes d'un agenda continental empreint d'humanisme, animé d'un leadership et porté d'une vision résolument tournée vers l’avenir».

Il rappelle que c'est cette même vision qui est portée par le roi Mohammed VI pour une Afrique qui avance à pas déterminés sur la voie de son émergence. «La dernière initiative des chefs d'Etat africains impulsée par le Maroc pour établir un cadre opérationnel d'accompagnement des pays africains dans leurs différentes phases de gestion de la pandémie s'inscrit au diapason de cet esprit d'unité et de solidarité qui s'opère à l'échelle continentale», rappelle Youssef Amrani.

«Dans cette configuration, poursuit l’ambassadeur marocain en Afrique du Sud, les diplomates africains deviennent les chevilles ouvrières d'une refonte de l'interaction africaine. Ils se doivent d'être à la hauteur des responsabilités qui leur incombent en retranscrivant dans leur action les exigences d'un panafricanisme renouvelé. Leur démarche doit être au diapason des efforts déjà engagés pour affranchir l'Afrique des modèles dépassés, des dogmatismes injustifiés et des idéologies révolues». Et de conclure que «le seul choix qui vaille aujourd'hui pour l'Afrique est celui de la modernisation et de la démocratisation et de l'ouverture. Le renforcement des instruments de l'Union africaine est en toute conséquence un effort nécessaire».

Un effort qui devra se faire dans le sens des priorités et besoins aujourd'hui clairement définis: la relance des économies, la lutte contre les inégalités et les disparités sociales, et la promotion des croissances inclusives pour un avenir de prospérité, de paix et de sécurité pour le Continent.

Par Rahim Sefrioui
Le 25/04/2020 à 15h31