La commission des accréditations du PJD vient de choisir le Chef du gouvernement et du parti, Saâd-Eddine El Othmani, comme mandataire de la liste électorale de la formation islamiste dans la circonscription de Rabat-Océan. L’information n’est pas anodine. Certes, écrit le quotidien Al Akhbar dans l’édito de son édition du jeudi 5 août, si en principe rien n’empêche une formation politique de présenter quiconque de ses militants comme candidat dans une circonscription donnée, rien dans la loi ne l’en empêche d’ailleurs. Il n’en reste pas moins que le Chef du gouvernement aura ainsi fait le tour de plusieurs villes depuis son premier mandat.
Depuis sa première élection, en 1997, l’actuel chef du gouvernement s’est en effet présenté, notamment, à Inezgane, Mohammedia et, aujourd’hui, à Rabat. Cinq mandats donc, sans avoir, à aucun moment, à rendre comptes à ses électeurs. Ce qui, d’après l’éditorialiste, est en soi une infraction au principe constitutionnel de reddition des comptes. C’est également une atteinte à la fonction de l’opération électorale qui est, à juste titre, un moment pour présenter les comptes et, en conséquence, soit être sanctionné par les électeurs ou se voir renouveler son mandat.
Dans le cas du Chef du gouvernement, alors que l’esprit de la Constitution et la finalité de l’opération électorale voudraient qu’après avoir représenté la ville de Mohammédia pendant dix ans, soit deux mandats, et, pour y arriver, a fait tant de promesses, dont la dotation de la ville en un hôpital provincial, il se présente à nouveau dans la même ville et afin de faire face au verdict des urnes. Au lieu de cela, poursuit l’éditorialiste, "son parti lui a trouvé une autre circonscription où il dispose d’une base électorale confortable qui pourrait le faire élire sans le moindre effort".
La circonscription de l'Ocean abrite, en effet, le siège du MUR (Mouvement unicité et réforme) et de bien d’autres organisations parallèles du parti islamiste. Une circonscription taillée sur mesure pour lui faire obtenir facilement un sixième mandat. Décidément, pour le PJD, il est inconcevable que son secrétaire général se présente dans une circonscription où son siège n’est pas gagné d’avance.
Bien sûr, même s’il s’agit du secrétaire général du parti, El Othmani n’est qu’un cas parmi tant d'autres que le parti "blanchit"à chaque opération électorale en les faisant sauter d’une circonscription à une autre. Depuis que le PJD a légitimé ce genre de nomadisme électoral, souligne l’éditorialiste, "ses élus ne se soucient plus de la source de leur légitimité populaire et se délient donc facilement de leurs engagements électoraux".
On pourrait avancer, à raison d’ailleurs, que le mandat d’un député parlementaire se limite aux missions de légiférer, contrôler le gouvernement et questionner les politiques publiques, mais cela ne l'affranchit pas, pour autant, de l’obligation de rendre des comptes à ses électeurs dans sa propre circonscription. Autrement, les rédacteurs de la Constitution auraient pu opter pour une seule circonscription nationale, comme c’est le cas dans de nombreux pays. Le Maroc ayant fait son choix, il est légitime de se demander comment donc ses électeurs de Mohammédia pourraient-ils sanctionner El Othmani ? Comment les électeurs d’El Hajeb qui ont porté Khalid Boukari au Parlement pourraient-ils lui demander des comptes ? Comment tous ceux qui ont voté à Errachidia pour Habib Choubani pourront-ils lui demander des comptes pour sa gestion catastrophique de leur ville et de toute la région ? Si le premier est comme précisé plus haut va briguer un nouveau mandat à Rabat, les deux autres se sont vus aménager par leur parti de nouveaux points de chute, respectivement, à Fès et à Midelt.
Bien sûr, la liste n’est pas exhaustive. Mais, le résultat est le même, cette transhumance géographique pratiquée par le PJD est bien pire que la transhumance politique dont les méfaits sont connus de tous et qui a d’ailleurs été fortement combattue par le législateur. Ce genre de blanchiment de la carrière politique des élus n’a pas lieu d’être, il nuit à l’action politique dans sa globalité et biaise l’opération électorale.