Une décision gouvernementale vient d’être remise en cause par une institution constitutionnelle. Une première. En effet, le conseil de la concurrence a rejeté la formule de plafonnement des prix et des marges bénéficiaires des carburants liquides pour laquelle avait optée le gouvernement de Saâd-Eddine El Othmani. Par cette décision, rendue publique vendredi, le conseil de la concurrence a infligé un cinglant camouflet au ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance, Lahcen Daoudi, qui avait fait de cette politique son cheval de bataille, constate le quotidien Al Akhbar dans son édition du week-end des 16 et 17 février.
Et de préciser que l’institution, présidée par Driss Guerraoui, a argué ce rejet par le fait que le gouvernement avait opté pour la libéralisation du secteur sans prendre les mesures appropriées pour protéger les droits des consommateurs et les autres composantes les plus fragiles du secteur. Le plafonnement des prix et des marges bénéficiaires des carburants liquides est un choix qui «ne sera pas suffisant et judicieux d'un point de vue économique et concurrentiel et en termes de justice sociale», a estimé le conseil de la concurrence.
De même, note la publication, le conseil de la concurrence a relevé que la demande d’avis du gouvernement ne cadre pas avec les dispositions de l’article 4 de la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence. Dans une déclaration au quotidien, Adil Zaidi, président du Groupement des pétroliers du Maroc, a souligné que l’avis du conseil de la concurrence est objectif, basé sur des arguments clairs. Et de préciser que la proposition de plafonnement des prix n’était pas pertinente du point de vue économique. Cette option coûterait au budget de l’Etat la bagatelle de pas moins de quarante milliards de dirhams, puisque le gouvernement sera contraint d’abandonner la formule de libéralisation pour reprendre celle de la compensation.
Cette affaire a été également abordée par le quotidien Al Massae dans son édition du même week-end, faisant remarquer que l’avis rendu public par le conseil de la concurrence est un coup dur pour le gouvernement et son ministre chargé des affaires générales et de la gouvernance. Soulignant la non-conformité de la proposition du gouvernement aux lois régissant le secteur, le conseil de la concurrence, poursuit Al Massae, a relevé que cette mesure a déjà été expérimentée entre décembre 2014 et décembre 2015 et n’a pas donné les résultats escomptés. Car les opérateurs s’alignaient généralement sur les prix maximum fixés sans fournir d’efforts en termes de baisse des prix, le prix maximum se transformant de facto en prix minimum.
La proposition du gouvernement ne va pas changer la réalité des prix et corrélativement, ne conduira pas à protéger le consommateur et à préserver son pouvoir d’achat. Pour ce fait, selon le conseil de la concurrence, la véritable question n’est pas de plafonner les marges, mais d’identifier les mesures compensatoires et les actions d’accompagnement en direction des acteurs de la filière, des segments du marché, des secteurs d’activité et des catégories de la population qui seront les plus touchées par les hausses imprévisibles des cours mondiaux du baril du pétrole et des produits raffinés.
De même, écrit le quotidien Assabah dans son édition du même week-end, le conseil de la concurrence a estimé que le plafonnement est également une mesure discriminatoire qui s’applique indistinctement à tous les opérateurs, quelles que soient leurs tailles et la structure de leurs coûts. Ce qui comporte un risque réel de pénaliser les opérateurs de petites et de moyennes tailles qui verront leur vulnérabilité s’accroître.
Ce faisant, poursuit le conseil, le plafonnement des prix et des marges donne un mauvais signal au marché et perturbe la visibilité de tous les opérateurs du secteur. Après la tombée de ce verdict du conseil de la concurrence, la réaction du ministre délégué auprès du chef de gouvernement, chargé des affaires générales et de la gouvernance, ne s’est pas fait attendre. Il a estimé que cette instance n’aurait pas la compétence de statuer sur les prix et d’évaluer la politique du gouvernement, faisant savoir que l’avis du conseil serait dicté par l’opposition.