L’option choisie par le gouvernement, quant au style de communication, communément appelée «appauvrissant», au niveau de son porte-parole, est de plus en plus sujette à interrogations.
Le Maroc connaît une foultitude de chantiers de nature inédite initiés par le Roi, un bouillonnement économique et social de haute intensité, une dynamique de réformes importantes et une ouverture croissante de son économie à l’international, épaulée par une activité diplomatique menée tambour battant. Dans une démarche de communication construite, l’ensemble de ces éléments devrait être mis en cohérence et en perspective, enrichi de sens et de messages, afin d’être transmis à l’opinion publique nationale à travers les médias.
C’est de la sorte que se pratique la communication dans les démocraties avancées et même chez celles connaissant un état d’avancement intermédiaire, vu que ses retombées impactent de manière positive le fonctionnement de la démocratie, la participation citoyenne et le développement économique, social et culturel. Alors, pourquoi notre gouvernement et son Chef ont-ils choisi le style de communication susmentionné, alors qu’ils ont la possibilité de mettre en avant un foisonnement d’informations les unes plus intéressantes que les autres?
Rappelons tout d’abord les caractéristiques d’un style de communication appauvrissant: standardisation à l’excès des formats, ignorance volontaire des sujets complexes ou sensibles, refus d’engager le dialogue avec la presse, propos généralistes et évitement des détails.
L’explication la plus simple, voire simpliste, de l’option gouvernementale est de faire porter le chapeau uniquement à la personne du porte-parole dans le choix de son style de communication.
Certes, il faut le dire, le profil de formation de l’actuel chargé de cette mission prête facilement le flanc à ces critiques, car présentant des insuffisances dans plusieurs domaines. Il apparaît évident qu’il ne dispose pas des qualités demandées par cette fonction, qui requiert un profil plus pointu, celui d’un solide intellectuel généraliste au fait de plusieurs disciplines, doublé d’un politicien madré et bon communicant.
D’aucuns disent que le choix s’est porté sur l’actuelle personne pour assurer un service à minima. Du style à se contenter de la lecture de ce qui a été dit au Conseil du gouvernement, avec une insistance méthodique sur l’ordre de succession des débats, point un, deux et trois… L’essentiel de la communication devait être assuré au départ par le Chef du gouvernement qui semblait être confiant en ses capacités dans le domaine. Or, ses premières sorties l’ont rapidement convaincu de surseoir à cet exercice, ô combien périlleux, même en terrain ami et entouré de journalistes pleins de petites attentions.
Une deuxième explication pouvant être proposée, plus construite politiquement, avance la thèse que ce gouvernement, contrairement à ce qui a été considéré au départ par plusieurs analystes, n’est pas l’émanation d’une majorité politique cohérente idéologiquement, mais tout simplement d’une majorité parlementaire numérique. De quoi créer une situation où chaque parti dans le gouvernement «tire la couverture» vers lui, souhaitant faire sa propre communication.
Champion toutes catégories de cet exercice, nous trouvons le Chef du gouvernement lui-même et son parti, qui n’ont pas hésité à s’attribuer les meilleurs morceaux des réalisations de la politique nationale, allant jusqu’à cannibaliser nombre d’attributions de ministères gérés par d’autres partis pour les intégrer dans les portefeuilles gérés par les ministères du Rassemblement national des indépendants (RNI).
Mais revenons à la question première: quelle est l’utilité d’un porte-parole qualifié dans un gouvernement et par extension dans un pays?
Le porte-parole est plus que jamais utile au Maroc, parce que, au sein d’un processus serein, nous assistons depuis quelques années à un renforcement de l’institution du Conseil de gouvernement. Le gouvernement se réunit régulièrement, exerce ses attributions sans interférences notables. Grâce à son penchant pour la verticalité, Aziz Akhannouch a aussi contribué -à quelque chose malheur est bon- à renforcer le rôle de l’institution du Chef de gouvernement. Ces éléments consolident la démocratie et l’État de droit.
Un porte-parole exerçant correctement sa mission se doit de mettre en exergue ces avancées. Il se doit aussi de présenter les décisions gouvernementales de manière claire et compréhensible pour le public, de bien gérer les relations avec les médias et d’élaborer une stratégie de communication visant à promouvoir les initiatives et les politiques du gouvernement.
Bref, et c’est un truisme, l’amélioration de la gouvernance passe aussi par une bonne communication véhiculée par un porte-parole disposant des compétences requises. Est-ce prêcher dans le désert que de demander cela? Le reproche est souvent fait à votre serviteur de tomber dans le piège de la naïveté en rappelant le souhaitable.
Je laisse au lecteur le jugement sur la pertinence de la démarche.