Le tweet de l’ambassadeur de France, Hélène Le Gal, posté le vendredi 5 juin, a provoqué un tollé au Maroc. Dans son message, Mme l’ambassadeur évoque en ces termes une réunion avec Chakib Benmoussa, président de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) et ambassadeur du Royaume à Paris:
«Je remercie Chakib Benmoussa, Président de la CSMD et ambassadeur du Maroc en France pour m'avoir présenté ce matin un point d'étape de la CSMD: de très belles perspectives pour le nouveau pacte économique entre le Maroc et la France».
La formulation du message a déplu à de nombreux Marocains, en particulier l’utilisation du verbe présenter qui pourrait laisser croire à un lien de subordination ou suggérer une obligation de rendre des comptes dans une organisation hiérarchisée.
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Le président de la CSMD a vite réagi au tweet, en donnant une version de nature à éteindre le feu qui commençait à prendre dans les réseaux sociaux: «Le président de la CSMD a échangé avec Madame Hélène Le Gal à sa demande, par vidéoconférence, à l’instar d’autres échanges précédents avec des ambassadeurs de pays amis et de représentants d’institutions internationales.»
Au verbe présenter, Chakib Benmoussa a substitué le verbe échanger qui établit une relation d’égal à égal entre deux partenaires. Mais cela n’a pas suffi à éteindre une polémique qui a fait beaucoup de tapage tout au long du week-end. Des députés et les Jeunesses de deux partis conservateurs (l’Istiqlal et le PJD) s’en sont emparés pour s’en prendre violemment à Chakib Benmoussa, accusé de «faire allégeance à Emmanuel Macron».
Hassan Aourid, ancien historiographe du Royaume, a ajouté sa voix à celles qui demandent la tête de Benmoussa. Lors d’une conférence organisée samedi 6 juin par la jeunesse du PJD, il s’est étonné que l’ambassadeur du Maroc en France soit porteur de la nationalité française. «Il est inadmissible qu’une personne représente le Maroc dans un pays dont elle détient la nationalité», a-t-il asséné. Cette prétendue double nationalité de Chakib Benmoussa a alimenté la polémique, certains trouvant normal qu’Hélène Le Gal s’exprime comme elle l’a fait, du moment qu’elle s’adresse à un citoyen français.
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Interrogé par Le360, Chakib Benmoussa a catégoriquement démenti être porteur d’une double nationalité. «Je n’ai pas la nationalité française et je ne l’ai jamais demandée». Et d’ajouter dans ce style laconique qui le caractérise: «je suis fier de ma nationalité marocaine».Récit de la réunion en visioconférence entre Chakib Benmoussa et Hélène Le GalUne source proche de Chakib Benmoussa a raconté dans le détail la fameuse rencontre entre le président de la CMSD et l’ambassadeur de France, accréditée à Rabat. Cette réunion a eu lieu par visioconférence et a duré 45 minutes. C’est l’ambassadeur de France au Maroc qui a demandé ce rendez-vous à Benmoussa, qui y a répondu de la même façon qu’il a organisé des rencontres similaires avec l’ambassadeur des Etats-Unis et celui du Royaume-Uni. «Il n’y pas eu de présentation ou de rapport», précise notre source. Ont été abordés, durant cet échange, les implications des travaux de cette commission sur le partenariat entre la France et le Maroc, l’impact de la crise due au Covid-19, ainsi que l’importance du délai supplémentaire accordé par le roi Mohammed VI aux travaux de ladite commission. A la fin de cet échange, il y a eu une conversation à bâtons rompus sur des sujets d’actualité, dont les Français qui sont bloqués au Maroc. «Un échange naturel entre deux pays partenaires et amis», insiste notre source.
Qu’est-ce qui a dénaturé cet échange naturel pour provoquer un tel tapage dans le pays? Si Mme Hélène Le Gal avait utilisé un verbe moins équivoque que présenter, est-ce que son tweet aurait fait réagir? Certainement non. Une diplomate à la tête d’une ambassade aussi importante que celle de la France au Maroc doit connaître le poids des mots qu’elle utilise et éviter toute interprétation qui se prête à la polysémie. A ce sujet, il est difficile de croire à une maladresse ou à une bévue de la part de Mme Le Gal qui n'a pas supprimé son tweet malgré la déferlante des protestations. Dès lors, on peut s’interroger sur l’objectif assigné à ce tweet de «remerciement».
Quelle que soit la teneur dissimulée de ce tweet, la meilleure façon d’y répondre est de laisser Chakib Benmoussa accomplir la mission dont l’a chargé le chef de l’Etat, loin des parasitages et du chahut.