«Le G8 était une erreur et personne n’a le courage de le reconnaître. Aujourd’hui, je le confirme, le G8 était et reste une erreur». Telle a été la déclaration de Mohand Laenser qui s’est exprimé dans le cadre du grand entretien d’Al Massae, pour son numéro du lundi 27 juin.
Le secrétaire général du MP est revenu, dans cette interview, sur les circonstances de la naissance de cette alliance ainsi que sur des questions d’actualité. Ainsi, à l’approche des élections de 2011, explique Laenser, son parti, le MP, faisait partie d’une coordination des partis du bloc libéral formé par le MP, le PAM, le RNI et l’UC. Mais, à la veille du scrutin du 25 novembre 2011, ce bloc a connu une transformation rapide et a été étendu à des tendances islamistes et à des partis de la gauche. Et il était illogique, affirme Mohand Laenser, de rassembler dans une même entité les tendances libérale, islamiste et gauchiste. Ce que le MP considérait comme une erreur, sans avoir le courage de le dire.
Après les élections, remportées par le PJD, la donne a changé. L’expérience du changement et de l’ouverture démocratique que le Maroc avait entamée avec la promulgation d’une nouvelle Constitution était sur le point d’être compromise. Le PJD n’arrivait pas à réunir sa majorité et l’idée de renouveler les élections avait déjà commencé à séduire certains partis. «Nous avons considéré qu'il y avait danger et que l’intérêt de la nation voulait que le MP rejoigne la majorité. C’était un choix dicté par les circonstances de l’époque», affirme Laenser. Près de cinq années après, le MP estime que l’expérience d’un gouvernement conduit par les islamistes a pu réussir au Maroc. De ce fait, rien ne devrait changer dans ses orientations en matière d’alliances politiques. A moins que, d’ici l’annonce des résultats des élections, la donne ne change de nouveau.
Actualité oblige, le chef de file du MP est également revenu sur la récente annulation, par le Conseil constitutionnel, du mandat d’une quinzaine de conseillers de la deuxième Chambre, soit plus de 12% des membres de la Chambre. Contrairement à certains partis qui s’en sont pris au Conseil constitutionnel, Mohand Laenser estime que «celui-ci n’a fait qu’appliquer la loi, pas plus. Et il faut lire ses décisions dans le sens positif. Ce qui s’est passé devrait, en effet, permettre l’émergence d’une conscience publique quant à cette question aux prochaines élections». Cela dit, depuis des décennies que tout le monde parle de corruption électorale, «aucune personne n’a jamais produit, depuis 1992, la preuve tangible qu’un élu ou électeur aurait versé ou perçu un pot-de-vin». Ce qui prouve que, estime Laenser, ce n’est pas avec des instruments de droit commun que l’on va combattre la corruption électorale. Et le MP a toujours appelé au changement des lois en ce sens.
En parlant des élections et des questions politiques en général, il est difficile ne pas évoquer un terme (ou même un concept) actuellement très en vogue et dont le PJD fait la promotion depuis 2011: la domination ou l’inféodation. Selon Laenser, certaines parties expliquent la domination ou l’inféodation par la présence d’une personnalité qui a du pouvoir et qui l’exerce dans ses rapports avec les agents d’autorité. Mais, encore une fois et à ce jour, personne n’a pu produire une preuve tangible à ce sujet. Au MP, confie-t-il, il se peut qu’un membre s’engage à se présenter dans une circonscription pour arborer, le lendemain, les couleurs d’un autre parti. Cela n’a rien à voir avec la domination. Et la responsabilité n’incombe pas à l’autre parti qui l’aurait séduit et enrôlé, mais au manque de maturité politique du candidat et à son incapacité de tenir ses engagements.
Ce genre de comportements fait dire au patron du MP que la classe politique vit une crise. Le Maroc, explique-t-il, compte 35 millions d’habitants, dont 20 millions sont théoriquement des électeurs, même si le nombre des inscrits sur les listes électorales est bien moindre. Et, à la fin de chaque opération électorale, on se retrouve avec presque les mêmes personnes au Parlement. Les partis politiques, estime-t-il, ne font que recycler une poignée de profils politiques. Il est inconcevable, s’insurge Laenser, que dans un pays comme le Maroc il n’existe, en tout et pour tout, qu’environ 3000 personnalités politiques que les partis s’arrachent entre eux. Ce qui ne veut pas dire que le pays manque de compétences et d’élites. Loin de là. Il suffit de se pencher sur d’autres secteurs, l’économie ou l’action sociale par exemple, pour se rendre compte que le Maroc est bien plus riche en élites, mais ces dernières ne sont pas attirées par la politique.
Laenser ayant vécu l’expérience, jusque-là inédite au Maroc, d’un ministre politique à la tête du département de l’Intérieur, il ne pouvait pas ne pas en évoquer quelques aspects. La première remarque qu’il a notée est que ce sont les partis qui ont longtemps milité pour l’ouverture de ce poste de responsabilité aux ministres partisans qui ont appelé à écourter cette expérience. Laenser a également appris, à ses dépens, qu’il ne pouvait concilier son poste de ministre avec ses responsabilités à la tête du parti. Il s’est senti lésé et gêné de voir le chef de gouvernement présider les meetings électoraux de son parti à l’occasion des élections partielles alors que lui, son ministre de l’Intérieur, ne pouvait faire de même.
Laenser a également évoqué, dans cet entretien, les dissensions internes et la tentative de création d’un parti du «Mouvement populaire originel» par ses détracteurs, ainsi que le conflit, désormais ouvert, qui oppose les deux ministres Lahcen Haddad et Mohammed Moubdiî.
En tant que président de région, celle de Fès-Meknes en l’occurrence, il est revenu sur le démarrage relativement lent de ce grand chantier qu’est la régionalisation avancée. Il rappelle, à ce sujet, que 21 textes de loi (des décrets) viennent d’être adoptés par le gouvernement et qu’il en faut encore 12, dont le très polémique décret relatif aux indemnités des présidents de régions. Laenser a, par la même occasion, exprimé ses craintes de voir les attentes créées chez les citoyens par la campagne de promotion de ce projet inassouvies. Le citoyen, dit-il, veut sentir concrètement l’apport de cette nouvelle institution régionale.