Il est d’usage chez les analystes de la politique étrangère d’un pays de se référer d’abord à sa doctrine dans le domaine. Révélatrice de son identité, elle incarne les valeurs héritées de son Histoire et sa géographie, et renseigne sur ses ambitions actuelles et en devenir.
Lors d’un discours historique, prononcé devant le Parlement en octobre 2023, le roi Mohammed VI avait mis en avant plusieurs composantes clés de l’identité nationale du Maroc. D’abord les valeurs religieuses et spirituelles: un islam sunnite malékite prônant la modération, l’ouverture, la tolérance et la coexistence interconfessionnelle et interculturelle sous la conduite d’une Commanderie des croyants assurée par le Roi; un nationalisme puisant ses racines «sociales et culturelles» dans une longue histoire intransigeante sur la défense des limes et de la souveraineté; enfin une forte exigence de cohésion sociale, cimentée par les solidarités, la préservation du noyau familial, pilier de la société, ainsi que par le souci d’un développement économique alliant ambition et équilibre.
Avant le discours d’octobre 2023, les rédacteurs de la Constitution de 2011 avaient tenu à rappeler les trois composantes ethnoculturelles centrales et les quatre affluents dont le mélange a contribué à façonner par ses apports l’identité marocaine, constituant un assortiment unique dans le voisinage géographique proche et lointain. L’arabo-islamique, l’amazigh et le saharo-hassani pour l’ethnoculturel; et l’hébraïque, le méditerranéen, l’africain et l’andalou pour les affluents.
Ce riche corpus identitaire, reflétant les valeurs profondes de la nation, traduit en langage diplomatique, a donné lieu à une doctrine de politique étrangère exhaustive et essentielle.
Quand des valeurs d’ouverture, de tolérance, de coexistence et de solidarité sont chevillées au corps d’une nation, celle-ci ne peut que s’orienter vers une approche des relations internationales qui privilégie la coopération et la collaboration entre plusieurs pays pour trouver des solutions aux problèmes communs et aspirer à un partage de la prospérité. L’essence de l’identité marocaine se retrouve dans le multilatéralisme comme approche des relations internationales, que ce soit au niveau de l’égalité de traitement entre les États, le respect de normes internationales, l’encouragement du dialogue, la négociation et la consultation, l’absence d’agressivité, l’approche consensuelle et collective des problématiques et, in fine, la priorité donnée à la solidarité humaine et au développement économique durable.
Le multilatéralisme n’est pas exclusif de la manifestation dans la sérénité des qualités, droits et ambitions de la Nation.
Le Maroc dispose de tous les attributs historiques, patrimoniaux, culturels, humains, économiques, géographiques et de soft power qualifiant au statut de puissance régionale. Il entend jouer ce rôle en toute souveraineté et en étant intraitable sur son unité territoriale, l’héritage saharo-hassani étant consubstantiel à son identité.
Une identité riche de plusieurs affluents, hébraïque, africain, méditerranéen et andalou, cela a été déjà souligné. Ce qui le prédispose à porter un regard original et ouvert sur certaines problématiques.
Il est difficile pour le Maroc -c’est même faire violence à ses traditions ancestrales- que de lui demander de ne pas reconnaître et prendre en considération certains desiderata d’une communauté hébraïque ayant vécu parmi nous et qui entretient toujours des attaches, avec des apports culturels et économiques, voire politiques importants durant une histoire se comptant par millénaires. La signature des accords d’Abraham est une manière pour le Maroc de confirmer le bel exemple qu’il a donné à l’humanité d’un vivre ensemble dans la tolérance et l’ouverture. Cela n’est pas exclusif du droit inaliénable du peuple palestinien à disposer de son propre État, avec Jérusalem-Est comme capitale, ni de l’expression de notre empathie agissante pour les souffrances immenses qu’endurent les Palestiniens encore et encore.
Dans ses relations avec l’Afrique, durant le règne actuel, le Maroc a montré qu’il pouvait développer une aptitude à capitaliser. Nous ne nous sommes pas contentés de clamer notre identité africaine, nous avons développé le bilatéral, nous avons investi, nous avons rejoint le multilatéral quand les conditions étaient mûres, avec à la clé trois projets d’envergure: le Maroc hub de l’Afrique, le développement de l’Afrique Atlantique et le projet du Gazoduc Nigéria-Maroc.
Enfin et toujours dans cette logique d’ouverture et de refus de l’exclusivité, multilatérale dans sa plénitude, le Maroc a signé un grand retour à la Méditerranée en augmentant l’attractivité des territoires du Nord d’abord, et en consolidant ses relations économiques et culturelles avec les pays du pourtour de Mare Nostrum.
En dotant le Maroc d’une doctrine de politique étrangère moderne, pertinente, car nouvelle et épousant parfaitement le réel, en harmonie avec notre identité, le règne de Mohammed VI a montré sa capacité à construire les grandes orientations pouvant faciliter la tâche à notre action diplomatique. Les résultats ont été éloquents.