Ilot de Leïla: révélations sur l’une des plus graves crises diplomatiques du Maroc

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Revue de presseKiosque360. Quinze ans après l’opération, l’Espagne décide de lever le secret défense sur une opération militaire qui a failli déclencher une guerre entre les deux pays voisins. Akhbar Al Yaoum revient sur ces moments critiques.

Le 10/07/2017 à 14h25

Quinze ans après son opération militaire à l’îlot de Tautra-Perejil (Leïla), qui s’est déroulée le 11 juillet 2002, l’armée Espagnole décide de lever le secret militaire sur cet incident qui a failli causer une guerre ravageuse entre l’Espagne et le Maroc. Ainsi, affirme le quotidien Akhbar Al Yaoum dans son édition du lundi 10 juillet, une commission de cinq officiers supérieurs des services spéciaux de l’armée espagnole ayant participé à l’opération ont été autorisés à dévoiler les dessous de cette opération ordonnée par le gouvernement de la droite populaire, conduit par José–Maria Aznar.

Selon Akhbar Al Yaoum, qui cite le journal El Español, les cinq officiers des services spéciaux de l’armée du voisin du Nord ont affirmé que la guerre avait pu être évitée grâce aux six soldats marocains qui se trouvaient sur l’Îlot. Ces derniers qui, affirme le journal, effectuaient une opération d’assainissement ciblant les réseaux de trafic de drogue, se sont rendus sans tirer aucun coup de feu, suivant sans doute les ordres de leurs supérieurs. Ce qui, affirment les officiers espagnols «a empêché le déclenchement d’un conflit armé».

Les officiers espagnols ont également reconnu que leur pays avait eu recours à une guerre électronique contre le Maroc, les moyens de communication de la Marine royale opérant dans la zone du Détroit de Gibraltar ayant été brouillés. En même temps, l’armée espagnole a coupé toutes les communications, à l'exception d'un canal qui opérait via une ligne satellite sécurisée par laquelle le chef du gouvernement espagnol suivait le déroulement de l’opération. Ce dernier affirme d'ailleurs que les officiers espagnols étaient convaincus du fait que le recours aux armes était le seul moyen de résoudre ce différend avec le Maroc. Raison pour laquelle il a ordonné l’envoi d’une force spéciale sur l’Îlot, avec pour mission de neutraliser et capturer les soldats marocains envoyés sur place dans le cadre d’une opération de lutte contre le trafic de drogue. 

Les membres des forces spéciales espagnoles ont reçu les ordres du chef du gouvernement via son ministre de la Défense. Selon ces ordres, ils devaient accomplir leur mission avec «zéro dégât» le plus rapidement possible et frapper avec une précision chirurgicale.

Par ailleurs, le journal El Español, cité par Akhbar Al Yaoum, revient, en détail, sur cette opération qui a marqué l’histoire récente des deux pays. Le 17 juillet, affirme le journal, l'armée espagnole a mobilisé, dans sa base à Cadix, 200 éléments parmi les membres des forces spéciales les plus chevronnés pour avoir déjà participé à des opérations spéciales lors de la guerre d’Afghanistan, de Bosnie et du Kosovo.

Parmi ce détachement, 28 éléments ont été choisis pour intervenir sur l’Îlot de Taura et 172 sont restés en alerte, près à intervenir en cas de riposte de l’armée marocaine. Les officiers qui relatent ces événements, cités par le journal, ont affirmé avoir eu très peur, d'autant qu'ils ignoraient la réaction des Forces armées royales. Ils ne connaissaient pas le nombre de soldats marocains envoyés sur l’Îlot, ni la nature et l’effectif des forces mobilisées en renfort pour les appuyer en cas d’intervention espagnole. «Nous ignorions complètement tout de ce qui nous attendait sur cet Îlot», ont notamment affirmé les officiers espagnols.

Même pour ce qui est du débarquement, les forces spéciales espagnoles n’avaient pas de plan de bataille précis. «Nous avons mis en place trois stratégies d’intervention, un débarquement par hélicoptère, par navire de guerre ou à bord d’un sous-marin. Nous avons opté pour la première voie puisqu’elle était la plus opérationnelle», ont affirmé les cinq officiers. Et pour cela, il aura fallu mobiliser pas moins de six hélicoptères.

Ils s’attendaient à tomber sur au moins une vingtaine de soldats armés jusqu’aux dents, mais n’en ont finalement rencontré que six. Cependant, et c’est un fait anecdotique, à un certain moment, pris de panique, ils ont pris, dans l'obscurité, un troupeau de chèvres pour des soldats. Cela dit, certains parmi ces officiers ont exprimé leur surprise, à l’époque, de voir leur chef de gouvernement opter pour une opération militaire de grande envergure, alors que l’incident aurait pu être résolu de manière diplomatique.

Par Amyne Asmlal
Le 10/07/2017 à 14h25