«Tout le monde le considère, surtout dans la presse, comme un milliardaire. Mais je vous assure que l’homme qui s’est présenté à mon bureau jure qu’il ne possède même pas la somme de 500 dirhams sur ses comptes bancaires.» Les propos sont de l’avocat au barreau de Casablanca, Abdekebir Tabih et la personne dont il parle n’est autre que l’homme d’affaires et ancien député socialiste Hassan Derham. Comment ce richissime homme d’affaires sahraoui en est-il arrivé là? L’histoire de cette chute telle que relatée par le quotidien Al Ahdath al Maghribia dans son édition du week-end des 19 et 20 octobre, remonte à quelques années.
Dans un passé très proche, l’homme d’affaires socialiste a en effet monté une société, à parts égales, avec un associé français d’origine algérienne. Dans cette entreprise, Hassan Derham présidait le conseil d’administration alors que son associé assumait la charge de directeur général. Les affaires marchaient bien, la société conquérait marché après marché aussi bien au Maroc qu’au niveau international. D’un jour à l’autre, le sort de cette entreprise florissante a brusquement changé. Un différend a éclaté entre les deux associés. Hassan Derham, poursuit le journal, citant l’avocat de l’homme d’affaires, s’est aperçu que son associé étranger tentait de mettre la main, à son insu, sur les finances de l’entreprise.
Depuis, les choses sont allées de mal en pis, les dettes auprès des banques et de l’Office des changes, se sont accumulées et toutes les tentatives de médiation pour réconcilier les deux associés ont échoué. L’affaire a même été portée à la connaissance du chef du gouvernement d’alors, Abdelilah Benkirane, et deux ministres de son cabinet sont intervenus pour tenter de résoudre le problème. Leur tentative a débouché sur une entente entre les deux associés. La solution proposée, actée et consignée dans un protocole d’accord entre les deux parties consistait en la nomination d’un comptable qui avait déjà travaillé en tant que directeur financier dans une entreprise dans laquelle Hassan Derham était actionnaire.
La mission de cet agent comptable se limitait à trois taches: gérer la société pendant une période de trois mois, régulariser sa situation avec le Trésor public, régler les factures des fournisseurs et payer les salaires des employés. Le troisième volet de sa mission consistait à répartir la société entre les deux associés de manière équitable. Ce protocole d’accord, souligne le quotidien, a été signé en présence de certains membres du gouvernement et de représentants de l’ambassade de France au Maroc. L’idée motrice étant de résoudre ce problème sans qu’il n’y ait de perdant.
Un an plus tard, la personne désignée pour gérer l’entreprise n’avait toujours pas honoré les termes de son mandat. Quatre ans plus tard non plus. Le pire, poursuit le quotidien tout en citant l’avocat de l’homme d’affaires, c’est que l’agent comptable a pris la place de Hassan Derham, signant les PV falsifiés de réunions du conseil d’administration. Il est même allé jusqu’à intégrer son nom au Registre de commerce, devenant ainsi l’interlocuteur unique des banques partenaires de la société, de ses fournisseurs et de ses clients et, bien sûr, des institutions publiques.
Ainsi, le propriétaire et associé, Hassan Derham, s’est retrouvé interdit d’accès à sa propre entreprise. Entre-temps, toujours selon l’avocat de l’homme d’affaires, le comptable a pris soin de démonter le conseil d’administration qu’il a remplacé par une commission administrative chargée de gérer les unités qui relèvent de la société et a pris, lui-même, les pouvoirs de la direction générale.
Pendant ce temps, les dettes de l’entreprise ont continué à s’accumuler pour dépasser 500 millions de dirhams, en plus des dettes envers les banques et des charges sociales relatives aux salariés qui n’ont pas été réglées et qui s’élèvent à plus de 300 millions de dirhams.
Le comble, poursuit le journal, est qu’Hassan Derham doit supporter une grande partie de ces dettes car il avait présenté des garanties aux banques pour financer le lancement et les activités de l’entreprise. Cela, assure le quotidien, alors que son associé, aujourd’hui décédé, n’avait rien apporté au capital de la société. Aujourd’hui, cette affaire est portée devant la justice. Le comptable est poursuivi, entre autres, pour abus de confiance et détournement de fonds devant le tribunal d’Ain Sebaa à Casablanca. La dernière audience du procès a eu lieu mercredi dernier. Le mis en cause a comparu en liberté provisoire.