En 2005, alors qu’il venait tout juste d’être nommé Premier ministre du Togo, après une très longue traversée du désert, Edem Kodjo, ancien secrétaire général de l’OUA (1978-1983) avait confié, lors du 37e congrès des journalistes francophones, tenu à Lomé cette année-là: «ça m’a coûté très cher et je ne suis pas près de l’oublier». Il n’en dira pas plus. Mais cette réponse à la question posée par un journaliste, ayant trait au forcing dont il avait fait preuve, plus de 20 ans plus tôt, pour faire admettre la «RASD» au sein l’Organisation de l’unité africaine, sonne comme un aveu, et une reconnaissance, tardive, certes, d’une erreur monumentale qu'il avait commise.
En effet, l’erreur d’Edem Kodjo ne fut pas seulement d'ordre juridique: l’effectivité d’un Etat, où un pouvoir légitime est concrètement exercé sur une population vivant au sein d’un territoire délimité, et reconnu par la communauté internationale, est évidemment loin d’être établie en le cas d’espèce.
Mais son erreur fut surtout d’ordre moral, et l’a hantée durant le reste de sa vie, comme une malédiction. En effet, l'homme a péché pour avoir cédé, dans l’exercice de ses hautes fonctions continentales, à la tentation des pétrodollars. Ce sont en effet finalement les mallettes algériennes qui ont poussé Edem Kodjo à commettre son forfait, lui qui se préparait à réaliser une ambition suprême, mais jusqu’ici secrète: devenir un jour le président du Togo.
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Malheureusement pour lui, tous ses calculs tombèrent à l’eau, les uns après les autres. Après avoir quitté une OUA plus que jamais divisée, il s'était vu interdire l’entrée dans son pays par le chef de l’Etat, Gnassingbé Eyadéma, qui l’avait accusé de comploter contre son pouvoir, le forçant à l’exil pendant plus d’une décennie à Paris.
De retour à Lomé en 1994 à la faveur de l’ouverture démocratique prônée par le pouvoir militaire, Edem Kodjo créa l’Union démocratique du Togo, prôna le «pardon» entre lui et Eyadéma-père, dont il devint Premier ministre. A ce poste, qu’il considéra comme la dernière marche pour devenir le dauphin, puis le président en exercice, il passa seulement 14 mois (de 1994 à 1995), avant d’être renvoyé, à cause de la méfiance qu’il inspirait. Mais à la mort de Gnassigné Eyadema, son fils, Faure Eyadéma fut élu en tant que nouveau président du Togo. Pour faire taire l’opposition, ce dernier «amadoua» à nouveau Edem Kodjo, en le nommant Premier ministre. Il y passa à nouveau 15 mois seulement (de juin 2005 à septembre 2006).
Ce manque de longévité chronique, preuve des magouilles politiciennes dans lesquelles il excellait, signa définitivement la mort politique d’Edem Kodjo.
Il se lança alors dans la médiation internationale et le règlement pacifique des conflits, un créneau qu’il crut être plus lucratif que les strapontins ministériels. Mais sa fondation, Pax Africana, fut plombée par le peu de crédit et la mauvaise réputation qu’Edem Kodjo traînait derrière lui.
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Ainsi, en janvier 2016, ses ex-employeurs algériens intercèdèrent auprès de leur affidée sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, alors présidente de la Commission de l’Union africaine, afin d’engager Edem Kodjo en tant que facilitateur dans le conflit entre factions politiques de la République démocratique du Congo. Mais bien mal lui prit, puisqu’il fut rapidement contesté par l’opposition congolaise, qui refusa de prendre langue avec lui à cause de son passé trouble et sa partialité intéressée, l’obligeant ainsi à battre en retraite.
Au cours de ces derniers mois, il aura eu tout le loisir de constater que l’Union africaine était en train de réparer l’affront de Nairobi II. Car si l’UA n’a pas encore retiré sa reconnaissance à la «RASD», le fait de se débarrasser de toute interférence dans le conflit créé autour du Sahara marocain, et de le confier exclusivement à l’Organisation des nations unies, montre que l'instance panafricaine semble bien se diriger, inéluctablement, vers cette option réaliste.
Car, il est tout simplement aberrant de constater que l’Union africaine, contrairement à toutes les organisations mondiales, continentales ou régionales (ONU, Ligue arabe, UMA, CEDEAO, CEN-SAD…) soit la seule à reconnaître, aujourd’hui, un Etat-néant.









