Les députés membres de la Commission des secteurs sociaux ont passé une nuit blanche mercredi pour débattre de l’un des dossiers les plus sensibles de l’agenda social marocain: l’avenir du système de santé. Cette réunion marathon, présidée par Rachid Talbi Alami, président de la Chambre des représentants, a été marquée par la présence du ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amine Tehraoui, qui fait face depuis plusieurs semaines à de vives critiques quant à la lenteur et aux insuffisances de la réforme en cours, indique le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du vendredi 3 octobre.
Les demandes d’explications, initiées par les groupes d’opposition, portaient sur la situation préoccupante de l’offre de soins et sur les mesures à mettre en œuvre pour accélérer la réforme afin de garantir aux Marocains un accès effectif aux soins et aux services de santé.
Lors des interventions, plusieurs parlementaires, dont Rachid Hammouni (PPS) et Mustapha Ibrahimi (PJD), ont insisté sur le caractère structurel de la crise. Selon eux, la refonte du système nécessitera «des années d’efforts», en raison notamment des inégalités d’accès aux soins, de l’exclusion persistante de certaines catégories sociales de la couverture médicale et de l’emprise croissante des cliniques privées.
Face aux critiques, le ministre Amine Tehraoui a reconnu l’ampleur du problème, tout en affirmant qu’il n’existe pas de «solution miracle» pour combler le déficit chronique en ressources humaines, lit-on. Selon lui, l’unique levier reste l’augmentation progressive du nombre de places pédagogiques dans les facultés de médecine et de sciences infirmières.
Depuis 2019, le nombre de places offertes aux étudiants en médecine a quasiment triplé: de 2. 650 à 6.400 aujourd’hui, avec un objectif de 6.500 diplômés par an dans les prochaines années. Pour y parvenir, l’État a ouvert quatre nouvelles facultés de médecine à Laâyoune, Guelmim, Béni Mellal et Drâa-Tafilalet, qui travailleront en synergie avec les futurs centres hospitaliers universitaires (CHU) régionaux, écrit Al Ahdath Al Maghribia. L’ambition est de former localement et de retenir les médecins dans leurs régions d’origine.
Le ministre a toutefois exprimé son scepticisme concernant l’apport des médecins étrangers ou le retour massif des praticiens marocains établis à l’étranger. Seules 600 recrues ont été intégrées dans le cadre des programmes mis en place, un chiffre jugé «faible et non attractif», en raison notamment des contraintes administratives, du manque d’infrastructures adaptées et de la faiblesse des salaires proposés dans le public.
La stratégie gouvernementale mise également sur la formation des infirmiers. En cinq ans, le nombre de places en instituts de formation a connu une croissance spectaculaire: de 2.735 en 2019 à 9.500 aujourd’hui, soit une augmentation de 247%. Selon Amine Tehraoui, le nombre d’infirmiers a ainsi été multiplié par quatre en moins de cinq ans.
Malgré les chiffres avancés, le ton du débat parlementaire a montré l’ampleur des attentes. Les députés ont rappelé que la généralisation de la couverture sociale n’a de sens que si elle s’accompagne d’un service de santé public de qualité, accessible et équitable. Or, le chantier reste immense: pénurie de médecins, inégalités territoriales, dépendance croissante au privé et faible attractivité du secteur public.
Dans un pays où la santé est devenue l’un des principaux moteurs de la contestation sociale, la réforme du système sanitaire apparaît plus que jamais comme une course contre la montre pour le gouvernement.








