"Il est moins aisé de dire que l'Algérie défierait le Maroc, si le roi Hassan II, frustré dans ses tentatives de parvenir à une solution politique au conflit saharien, choisissait la voie de la conquête militaire", indique l'Agence centrale de renseignement américain (CIA), dans un document confidentiel déclassifié mercredi 18 janvier 2017.
L'Algérie, qui soutenait le processus d'"indépendance" du Sahara, l'avait très tôt compris, en s'abstenant d'entreprendre quelque action militaire que ce soit pour faire aboutir cette option. "Si les forces algériennes et marocaines venaient à s'engager dans des hostilités, le résultat serait imprévisible", atteste le document de la CIA, signalant que "quelques troupes marocaines ont été testées sur le front syrien".
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L'Agence de renseignement américaine se référait en effet à l'intervention distinguée des Forces armées royales sur le front du Golan syrien, lors de la guerre de Kippour déclenchée le 6 octobre 1973. Dirigées par le colonel Abdelkader El Allam, les troupes marocaines, constituées de deux brigades d'infanterie de 5.500 soldats et officiers, ont en effet réussi à récupérer une partie du mont "Herman" "Jbel Cheïkh" situé sur le Golan.
Et ce n'est pas tout! Les Forces armées royales avaient remporté, dix ans plus tôt, précisément en 1963, une retentissante victoire militaire sur l'Armée nationale populaire (ANP, algérie). Cette victoire -lors de laquelle l'Algérie était aussi aidée de l'Egypte de Jamal Abdennasser et du Cuba de Fidel Castro- a eu un effet dissuasif sur l'Algérie du colonel Houari Boumedien, quand bien même "ses troupes étaient mieux équipées et formées", certifie le document de l'agence de renseignement américaine.
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Et ce n'est pas tout! Le colonel Houari Boumediene, de son vrai nom Mohamed Boukharrouba, craignait qu'une nouvelle guerre avec le Maroc puisse avoir pour conséquence le lancement d'un combat pour l'avènement du "Grand Maroc", voeu exprimé publiquement par le leader du parti de l'Istiqlal, Allal El Fassi. Les implications de cette guerre pourraient donc être désastreuses pour l'Algérie, tant et si bien qu'une défaite militaire possible l'amènerait alors à rétrocéder au Maroc des territoires annexés à l'Algérie française, entre autres Tindouf (riche en gisements), Knadssa et Bachar.
"Nous croyons que le silence public de l'Algérie sur la question du Sahara peut bien refléter une réticence à provoquer le Maroc sur une question dans laquelle il n'a aucun intérêt", certifie la CIA, indiquant que "l'Algérie ne prévoit pas des hostilités avec le Maroc sur cette question -en dépit de quelques indications de l'appréhension marocaine du contraire". "La confrontation avec le Maroc serait une possibilité distincte, bien que les Algériens épuisent d'abord toutes les options diplomatiques".
A défaut de pouvoir entamer une action militaire, l'Algérie s'est donc engagée dans une action de lobbying auprès de la Ligue arabe, du Mouvement des pays non-alignés et de l'Assemblée générale de l'ONU, dans une tentative de faire accréditer l'option de "l'indépendance", contre laquelle Hassan II s'est opposé de toutes ses forces. Le retrait de l'Espagne du général Franco sur cette question, après avoir exploré cette option, met en évidence l'appréhension des autres parties quant aux conséquences que pourrait induire toute provocation à l'encontre du Maroc.