Lors d’une réunion avec des membres du bureau national de la jeunesse du PJD, l’ex-chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a tiré à boulets rouges sur tout ce qui bouge. Il a sorti l’artillerie lourde pour fustiger la majorité, l’opposition, Talbi Alami, Hakim Benchemass, Noureddine Ayouche, le PAM, le RNI et même des dirigeants de son propre parti avec, à leur tête, le chef de l’Exécutif, Saâd-Eddine El Othmani. Très en colère, Benkirane a entamé son violent réquisitoire en s’attaquant, tout d’abord, au ministre de la Jeunesse et des sports, Rachid Talbi Alami (RNI), qui avait auparavant critiqué le PJD: «Rachid Talbi Alami est un homme sans vergogne qui aurait dû comprendre que c’est la corruption qui détruit le pays et non pas le PJD. J’estime nécessaire de lui répondre de manière plus virulente qu’on ne l’a déjà fait, quitte à ce que la majorité se disloque et que le gouvernement tombe. Je considère que la réaction de Saâd-Eddine El Othmani aux accusations de Rachid Talbi Alami n’était pas au niveau de la provocation et, je le dis franchement, cette passivité ne m’a pas plu du tout.»
Le quotidien Al Massae rapporte, dans son édition du mardi 16 octobre, que Benkirane ne décolère pas face aux propos de Talbi Alami, qui a accusé le PJD d’avoir un projet destructeur pour le pays: «Que pourrait-il se passer si l'on attaquait avec force, comme on le faisait par le passé, nos détracteurs? Que le gouvernement tombe! Et alors? Ce n’est pas la fin du monde. On refait les élections et il n’y aura aucun mal, même si on n’occupe pas la première place.» Et Benkirane de faire le parallèle avec la guéguerre que le PJD avait eue, il y a quelques années, avec le PAM: «Un autre parti avait essayé de nous affaiblir en usant de cette même méthode. Mais, en vérité, il voulait détruire le pays.»
«Le RNI manque de compétences et ne croyez pas au mythe qui veut que ce parti dispose d’une pépinière de hauts cadres. J’ai beaucoup apprécié la nomination de Mohamed Benchaâboun en tant que ministre des Finances parce qu’il est compétent, mais il n’est pas un membre du RNI. J’ai beaucoup attendu les dirigeants du RNI lors du blocage qu’a connu la constitution du gouvernement, parce qu’il avait quelques compétences. La vérité, c’est que le roi Mohammed VI a voulu que certains noms figurent dans le gouvernement», a encore ajouté Benkirane.
L’ex-chef du gouvernement s’en est pris, par la suite, à Hakim Benchemass, le secrétaire général du PAM, dont il a qualifié les propos de «honteux», avant de le fustiger en personne: «Benchemass n’a pas honte quand il affirme que c’est le roi qui lui a donné l’argent pour acheter une villa. Il aurait dû se taire, car on doit révérence et respect au souverain, notre roi et commandeur des croyants.»Et de traiter le PAM, son ennemi de toujours, de «signe indien qui emporte tout sur son passage».
Les tirs à l’artillerie lourde de Benkirane n’ont pas épargné les membres de son propre parti, qu’il a taxés de tous les maux: «Certains membres du parti ont dévié de l’idée de la réforme et commencent à croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est pour cela qu’ils ne défendent que leurs intérêts. Certains d’entre eux ont même commencé à user de violence au sein du parti, et nous devons leur résister et les empêcher de se prendre pour les maîtres des horloges.» Pour boucler la boucle, Benkirane a attaqué Noureddine Ayouche qu’il a qualifié de «répugnant» et traité «d’attardé», en l’appelant à «visionner le discours prononcé par la ministre autrichienne à l’ONU».
«Benkirane attise le feu dans la maison de la coalition gouvernementale», titre pour sa part le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, qui traite du même sujet dans son édition du mardi 16 octobre. Et le journal de relever que Benkirane a l'habitude de lancer des critiques acerbes à chaque fois qu’il rencontre l’organisation de la jeunesse de son parti. Il a d'ailleurs demandé aux membres du bureau national de la jeunesse du PJD de ne pas se taire face à ce qui se produit dans la sphère politique, tout en les exhortant d'éviter d'embarrasser le secrétariat général du parti avec des revendications politiques exagérées. L’ex-chef du gouvernement a poursuivi en tirant sur le PAM, qu'il a assimilé à une «épidémie» ayant contaminé les régions dirigées par ses militants, faisant allusion aux événements qui ont secoué Al Hoceima et Jerada.
Dans son édition du même jour, le quotidien Assabah s’intéresse, quant à lui, aux réactions engendrées par la sortie rageuse de Benkirane. Aussi bien les partis politiques visés que les membres de son propre parti ont dénoncé ses accusations. Un dirigeant du PJD affirme ainsi que l’ex-chef du gouvernement n’a pas le droit de proférer des propos malveillants à l'encontre des militants de son parti, sans même présenter de preuves. Benkirane aurait pu éviter de faire de telles déclarations en public et respecter le statut du parti qui permet à chacun de soumettre un rapport détaillé au secrétariat général, quand un comportement est jugé contraire aux valeurs du parti. Un membre de la majorité, qui a préféré taire son nom, considère que les multiples tentatives de Benkirane de faire tomber le gouvernement dénote la détérioration de son état psychique, depuis qu’il a perdu son poste de chef de gouvernement et la présidence du PJD. D’un autre coté, un proche de Benchemass estime que Benkirane a dépassé les limites de l’éthique politique par ces injures indignes d’un ex-chef du gouvernement. D'autres réactions des partis et personnes incriminés sont attendues. En effet, plusieurs dirigeants, aussi bien de la coalition gouvernementale que de l’opposition, s’apprêtent à répondre avec force aux propos de Benkirane.