Benkirane dresse les députés PJD contre le gouvernement El Othmani

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Revue de presseKiosque360. L’accord sur la loi-cadre de l’enseignement a provoqué l’ire de Benkirane qui a appelé les députés du PJD à s’insurger contre les institutions. Il a fustigé Saâd-Eddine El Othmani en évoquant le déshonneur, la trahison et la collaboration avec le colonisateur.

Le 01/04/2019 à 20h15

Mais quelle mouche a piqué Benkirane pour sortir ainsi l’artillerie lourde et tirer, à bout portant, sur tout ce qui bouge y compris sur Saâd-Eddine El Othmani et les membres de son parti? Jamais l’ex-chef du gouvernement et l’ex-chef du PJD n’a usé de termes aussi forts, parlant de trahison, de collaboration avec le colonisateur, de démission du gouvernement, voire de dissolution du Parlement. A l’origine de ces virulentes attaques, la réunion, qui devait avoir lieu hier lundi, de la commission de l’enseignement, de la culture et de la communication consacrée l’adoption de la loi-cadre sur l’enseignement. Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, Benkirane ne décolère pas et incite toutes les composantes du PJD à s’insurger contre le compromis trouvé dans la Chambre des représentants: «J’appelle les parlementaires du PJD dans les deux Chambres et les militants à voter contre cette loi, quitte à faire tomber le gouvernement dirigé par Saâd-Eddine El Othmani».

Benkirane considère l’approbation de la loi 51/17 relative à l’éducation et à la formation dans sa nouvelle version comme un «coup de grâce pour le PJD». Et l’ex-chef du gouvernement d’enchaîner que le parti a «fait beaucoup de concessions, mais toute concession a des limites. Il faut laisser les autres partis adopter cette loi, notamment sur son volet relatif à la langue d’enseignement. Si ces partis veulent constituer une nouvelle majorité, nous ne serons pas à leurs côtés».

Le quotidien Al Akhbar rapporte, dans son édition du lundi 2 avril, que Benkirane a placé la barre très haut en affirmant que, si le PJD votait cette loi, ce serait une «trahison» de la Constitution et de la vision doctrinale du parti. Et, comme Benkirane n’est pas à une contradiction près, il a oublié que c’est le gouvernement qu’il a dirigé qui avait approuvé cette loi. Il a pourtant osé dire: «Si j’étais chef du gouvernement, je n’aurais pas accepté la validation de cette loi». Et Benkirane de passer à la vitesse supérieure en poussant la dramatisation à fond: «Approuver la loi-cadre, c’est faire cadeau de l’enseignement marocain à la langue du colonisateur, car la version de l’accord laisse présager que toutes les matières seront enseignées en français. Ce qui se passe actuellement n’est ni dans l’intérêt de l’Etat marocain ni dans celui de la monarchie, mais profite au lobby colonisateur qui défend la francisation». La transition est toute faite pour Benkirane pour s’attaquer à Noureddine Ayouche, membre du conseil supérieur de l’éducation qu’il accuse d’être «un agent de la France, de sortir du rite malékite et de défendre l’homosexualité».

Le quotidien Assabah, qui traite du même sujet dans son édition du lundi 2 avril, rapporte aussi les propos incendiaires de Benkirane, qui s’est converti en cheikh demandant à ses disciples d’exécuter ses prêches. De ce fait, il n’a pas respecté leurs opinions et leurs débats, aussi bien au niveau du groupe parlementaire qu’au sein du parti. «S’il est nécessaire que ce projet soit approuvé, il ne faut pas qu’il le soit par les députés du PJD», a asséné Benkirane. Et d’appeler les parlementaires de son parti à ne pas être «de faux témoins dans une procédure qui veut enterrer la langue arabe». L’ex-chef du gouvernement s’attaque, par la suite, directement à son successeur Saâd-Eddine El Othmani: «Les Istiqlaliens ont porté le flambeau et l’honneur d’arabiser les matières scientifiques et, toi, tu vas trainer le déshonneur de leur francisation». Benkirane, qui semble toujours affecté par son limogeage, a indiqué qu’il avait refusé que les quatre partis soient réunis ensemble dans le gouvernement. C’est pour cela, ajoute-t-il, qu’il y a eu blocage: «la situation était à l’époque plus simple qu'aujourd’hui. Autant dire que si tu quittes( NDLR El Othmani) le gouvernement à cause de cette loi-cadre, tu sortiras avec les honneurs».

De même, le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte les propos acerbes de Benkirane dans son édition du lundi 2 avril en titrant: «Benkirane incite à l’insurrection contre les institutions». Le journal indique que Saâd-Eddine El Othmani joue contre la montre pour sauver l’accord du Parlement sur les langues d’enseignement, après les tirs croisés de Benkirane et du MUR contre la version consensuelle des groupes parlementaires. La crise plane, encore une fois, sur la loi-cadre après que le groupe du PJD a demandé le report de la réunion de la commission de l’enseignement, de la culture et de la communication qui devait entériner la loi-cadre. Une demande qui vient après les virulentes attaques de Benkirane qui n’a pas mâché ses mots en appelant les députés du PJD à s’insurger contre l’accord parlementaire sur ce projet. Pour ce faire, l’ex-chef du gouvernement a usé d’un discours religieux et d’un autre idéologique qui compare le nationalisme des istiqlaliens précurseurs de l’arabisation à l’approche des membres de son parti qui frise, dit-il, le retour du colonisateur dans notre pays. Il a, du coup, appelé El Othmani à «démissionner et à dissoudre le Parlement au lieu d’assumer le déshonneur de la francisation de l’enseignement après que les Istiqlaliens ont eu l’honneur de l’arabiser».

Par Hassan Benadad
Le 01/04/2019 à 20h15