Sous le titre «Le crime-énigme…Un demi siècle après l’enlèvement de Mehdi Ben Barka », Al Massae a consacré un dossier à l’affaire de l’icône de la gauche marocaine dans son édition de week-end (24-25 octobre). Alors que l'on commémore le 29 octobre prochain le 50ème anniversaire de la disparition de Ben Barka, l’affaire demeure entourée d’un halo de mystères.
Pour le journal, l’affaire n’a pas encore livré tous ses secrets. Pour preuve, en mars dernier, le quotidien israélien Yediot Aharonot a révélé, documents à l’appui, l’implication des services secrets israéliens, le Mossad, dans l’enlèvement de l’homme politique marocain.
Une opération transcontinentale
Selon le journal, l’opération d’enlèvement de Ben Barka a été orchestrée par les pays de quatre continents. D’abord, le continent africain où Hassan II observait de très près les mouvements de son ennemi juré. Ensuite, les Etats Unis qui ne voyaient pas d’un bon œil les ambitions et la volonté de Ben Barka de créer une nouvelle organisation de libération anti-impériale. Puis, en Asie, Israël qui nourrissait de grandes ambitions au Proche Orient sur le plan des renseignements afin de compter sur l’échiquier politique international. Et enfin la France, le pays qui a accueilli la scène du plus grand crime politique de la cinquième République.
La mobilisation de tous ces pays en dit long sur le poids du militant politique marocain. En fait, «Ben Barka a été une équation qui dépasse le Maroc et mettait des enjeux qui liaient les Etats-Unis, Israël et tout le bloc occidental. Tous avait intérêt à se débarrasser de Ben Barka qui portait le projet d’une nouvelle carte internationale où le Tiers-monde a un mot à dire », estime le journal.
Le projet Basta
L’objectif des services de renseignements de tous ces pays était de faire venir Ben Barka à Paris, la plus grande base du Mossad. De son côté, le militant nationaliste, en tant que président du comité de préparation, était entré dans une course contre la montre pour finaliser les dernières retouches à la Conférence de solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.
C’est à ce moment que le service de renseignement israélien monte son piège pour attirer Ben Barka à la capitale française : il miroite à ce dernier la production d’un documentaire sur la lutte contre la colonisation afin de le diffuser lors du Congrès qui aura lieu à Cuba en 1966. Ben Barka, séduit par l’idée que lui propose son ami journaliste, choisit «Basta » comme titre du documentaire. Le matin du 29 octobre 1965, Ben Barka débarque de Genève, et se rend directement à la Brasserie Lipp. C’est là que l’opération a eu lieu.
Mouvements tous azimuts
Tous ceux qui ont côtoyé Ben Barka affirment qu’il avait une force incroyable de mouvement et des compétences organisationnelles exceptionnelles. Des qualités qui lui ont valu le surnom de «dynamo ». Maurice Buttin, l’avocat de la famille Ben Barka et l’un des fin connaisseurs des détails de ce dossier, a sorti un livre intitulé « Hassan II, de Gaulle, Ben Barka, ce que je sais d'eux ». Il y raconte que le nationaliste marocain, en rentrant chez lui à Genève, a fait l’objet d’une tentative d’enlèvement au début de 1965. Mais cela n’a pas intimidé Ben Barka qui a continué à sillonner le monde : en février de la même année, il participe au nom de l’UNFP à la Conférence afro-asiatique à Alger ; début avril, il se rend au Caire pour participer aux travaux du congrès international sur la Palestine….Bref, une dizaine de déplacements tout au long de l’année, en dépit des dangers qui le guettaient.
Un demi-siècle après, Ben Barka est toujours vivant !
Ben Barka n’était pas une personnalité ordinaire : il a contribué au retour du Sultan Mohamed V, enseigné le prince Moulay Hassan les mathématiques, fondé l’Union nationale des forces populaires…En peu de temps, le leader nationaliste a réussi plusieurs coups d’éclat.
Toutes les tentatives qui ont essayé de lever le voile sur les conditions de sa disparition tragiques se sont soldées par un échec cuisant. L’Instance équité et réconciliation, sa famille, son parti l’USFP…toutes les parties prenantes ont déployé des efforts considérables pour y arriver. En vain.
L’affaire Ben Barka a donné lieu à plusieurs versions, aussi farfelues les unes que les autres. Mais toutes les enquêtes, livres ou films réalisés sur ce crime politique ne donnent pas de réponse définitive