Accès à la justice: le tableau sombre de l’aide judiciaire au Maroc

Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice

Revue de presseProcédures trop complexes, lenteurs administratives et financement insuffisant privent encore de nombreux citoyens à faibles revenus d’un accès équitable à la justice. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, promet un nouveau modèle plus simple, plus inclusif et mieux financé. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Ahdath Al Maghribia.

Le 05/08/2025 à 18h58

Le ministère de la Justice s’apprête à revoir en profondeur le système d’aide judiciaire au Maroc. Une réforme que le ministre Abdellatif Ouahbi juge urgente et nécessaire face aux multiples dysfonctionnements qui freinent l’accès à la justice pour les citoyens à revenu modeste, indique le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du mercredi 6 août. Entre complexité des démarches, délais trop longs, budget insuffisant et manque de transparence, le dispositif actuel est loin de répondre aux exigences d’une justice équitable, inclusive et efficace.

Dans une intervention récente au Parlement, le ministre a détaillé les limites du système actuel et les grandes lignes de la refonte envisagée. L’objectif est de permettre à chaque citoyen, indépendamment de sa situation financière, de faire valoir ses droits devant les tribunaux dans des conditions décentes.

Le premier constat dressé par Ouahbi concerne la lourdeur administrative du dispositif. Pour accéder à l’aide judiciaire, les citoyens doivent rassembler un grand nombre de documents justificatifs, souvent difficiles à obtenir, en particulier pour les personnes vivant dans des zones rurales ou souffrant d’un faible niveau d’instruction. Cette complexité, couplée à une méconnaissance des démarches à suivre, entraîne une forme d’auto-exclusion des plus précaires du système judiciaire, lit-on.

À cela s’ajoute la lenteur excessive du traitement des demandes, qui peut s’étaler sur plusieurs mois. Une réalité qui va à l’encontre du principe constitutionnel de célérité de la justice, inscrit dans la Constitution de 2011. «Les retards dans la prise en charge des dossiers d’aide judiciaire portent atteinte au droit des citoyens à un procès équitable dans des délais raisonnables», a souligné le ministre, cité par Al Ahdath Al Maghribia.

L’enveloppe budgétaire dédiée à l’aide judiciaire reflète, elle aussi, les limites du dispositif. Jusqu’en 2021, seuls 15 millions de dirhams y étaient consacrés annuellement, un montant jugé dérisoire par les professionnels du secteur. En 2023, le gouvernement a pris la décision de doubler ce budget à 30 millions de dirhams, une avancée saluée mais qui demeure insuffisante au regard de la demande croissante.

Selon Abdellatif Ouahbi, il devient impératif de mettre en place un nouveau mécanisme de financement, plus transparent, plus équitable et mieux ciblé. Celui-ci devra s’aligner sur les dispositions de l’article 121 de la Constitution, qui garantit le droit de tout citoyen à accéder à la justice gratuitement dans les cas prévus par la loi.

Autre point abordé par le ministre, les honoraires versés aux avocats dans le cadre de l’aide judiciaire. Ceux-ci sont actuellement fixés à 3.500 dirhams pour une affaire portée devant la Cour de cassation, 3.000 dirhams pour les cours d’appel, et 2.500 dirhams pour les tribunaux de première instance. Ces montants sont régulièrement critiqués par les professionnels du droit, qui estiment qu’ils ne reflètent ni la complexité des affaires ni le temps investi, lit-on encore.

Le ministre a précisé que ces barèmes étaient révisables tous les deux ans, à travers une décision conjointe du ministère de la Justice et du ministère des Finances, en coordination avec les instances représentatives des avocats. Cette démarche vise à préserver l’équilibre entre la qualité du service juridique rendu et la maîtrise des dépenses publiques.

Au-delà des ajustements techniques, c’est bien une réforme de fond que le ministère souhaite initier. Une étude globale est en cours d’élaboration, avec pour ambition de repenser entièrement le système d’aide judiciaire.

Cette étude devra proposer un modèle plus souple, plus rapide et mieux adapté aux besoins sociaux actuels. L’accès à la justice ne peut plus être conditionné par la complexité administrative ou par la situation économique du justiciable.

Par La Rédaction
Le 05/08/2025 à 18h58