Monstre est, à l'image de sa couverture, un livre sombre, même si le comédien y affirme d'emblée que "chaque jour, chaque heure, chaque instant, il faut vivre", une phrase aux accents tchékhoviens.
La mort, affirme le comédien, "ce n'est pas un point d'interrogation, c'est un joli point d'exclamation sur le vécu". "La mort est chose normale, sage (...) Il faut s'y préparer".
Le printemps dernier, le dessinateur Mathieu Sapin avait su montrer dans son album "Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu" la vérité d'un homme toujours sur le fil du rasoir. A la fois "grande gueule" et d'une terrible fragilité. Cette fois, c'est Depardieu lui-même qui se découvre, se voyant comme le dernier "Indien", fatigué "de la norme, des calibres, des modèles" et louant au contraire "la violence de l'excès".
Dans le livre, découpé en courts chapitres, Depardieu revient sur son enfance misérable dans le Berry (centre) en évoquant notamment en quelques lignes poignantes la figure de son père "Dédé" qui "n'avait jamais vu la mer", sa découverte du théâtre, les premières rencontres qui ont changé sa vie: Claude Régy, Marguerite Duras... puis, plus tard, ceux qu'il nomme par leur seul prénom: Bernardo (Bertolucci), Marco (Ferreri) ou encore François (Truffaut).
Est-ce de la nostalgie? L'acteur qui avoue avoir "toujours été attiré par le désert" ne se reconnait plus dans le monde dans lequel il vit. Il y a assurément du Alceste (le personnage du Misanthrope de Molière) chez lui.
À plusieurs reprises, Gérard Depardieu revient sur le destin tragique de l'écrivain autrichien Stefan Zweig (auquel il consacre un chapitre entier). "Comment continuer à avancer dans une civilisation qui peu à peu, perd ses raisons d'être?", s'interroge le comédien, reprenant à son compte une réflexion de l'auteur d'"Amok" qui s'est suicidé en février 1942, hanté par l'agonie du monde.
La lecture de Zweig est "indispensable", insiste Gérard Depardieu qui estime, même s'il ne s'y résigne pas, que le monde court vers "le vide".
Parmi les auteurs contemporains, il n'y a guère que Michel Houellebecq qui trouve grâce à ses yeux. "Houellebecq nous montre un peu l'écho de ce vide", estime Depardieu. Déplorant "le manque de désir et de sensualité" qui caractérise selon lui l'époque, l'acteur confie "relire le Coran" quand il a "envie de sensualité".
"Dans la description du paradis d'Allah, on trouve une vraie vision du désir", écrit-il en soulignant que "ça n'a rien à voir avec l'image du paradis qu'en ont ces abrutis qui n'ont jamais lu le Coran et qui sont persuadés que 72 vierges leur sont promises s'ils mettent sept slips avant de se faire sauter la panse en public".
Reconnaissant qu'il n'a "plus l'insouciance de la quarantaine ou même de la cinquantaine", le comédien admet se laisser "abattre plus facilement".
Revenant sur son soi-disant désamour de la France, l'acteur convient qu'il "préfère être libre que Français". "Mais, ajoute-t-il aussitôt, ce n'est pas pour autant que je renie ce pays".
"Qu'on arrête de mettre ça dans la tête des gens", plaide-t-il. "Si j'avais envie de foutre le camp, ce serait fait depuis longtemps".
"J'aime toujours la vie et j'aime toujours la France", martèle le comédien qui reconnait aussi avoir trouvé en Russie, "dans la région de Saransk", "de quoi reprendre espoir".