Les Etats-Unis, premier bailleur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avec plus de 400 millions de dollars par an, vont arrêter de la financer le temps d'évaluer son rôle "dans la mauvaise gestion et la dissimulation de la propagation du coronavirus", a déclaré dans la nuit de mardi à mercredi le président américain. Il a reproché à l'agence de l'ONU de s'être alignée sur les positions de la Chine, que Washington accuse d'avoir initialement caché la gravité du virus lorsqu'il y a fait son apparition en décembre. Ce qui, a-t-il dit, a empêché de contenir l'épidémie "à sa source avec très peu de morts".
Le secrétaire général de l'ONU a aussitôt marqué sa réprobation, en assurant que ce n'était "pas le moment de réduire le financement des opérations" de l'OMS, qui "doit être soutenue car elle est absolument essentielle aux efforts du monde pour gagner la guerre contre le Covid-19". Il sera toujours temps d'étudier par la suite "comment ont réagi tous ceux qui ont été impliqués dans la crise", a estimé Antonio Guterres dans un communiqué.
Sur le front sanitaire, les Etats-Unis ont enregistré mardi un sombre record avec plus de 2.200 morts supplémentaires du nouveau coronavirus en 24 heures, le plus lourd bilan journalier recensé par un pays. Leur bilan total, également le plus lourd du monde, s'élève à plus de 25.700 morts et 600.000 cas de contamination enregistrés.
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Quatre mois après l'apparition du virus, la pandémie a infecté presque deux millions de personnes, sans doute davantage en réalité. Elle a fait près de 125.000 morts officiellement dans le monde, et elle continue de tuer plusieurs milliers de personnes par jour et de s'étendre à des pays jusqu'ici peu touchés.
Elle connaît aussi un léger ralentissement en Europe, qui entrevoit la lumière au bout du tunnel, même si elle semble fragile. Mercredi, la Commission européenne doit présenter à cet égard sa feuille de route pour préparer une sortie coordonnée du confinement et éviter les couacs du début de la pandémie.
L'Allemagne, relativement peu touchée (environ 2.800 morts) par rapport aux pays comparables en termes de population, doit annoncer mercredi un allègement des mesures coercitives, qui varient d'une région à l'autre. Le président de l'Académie des sciences Leopoldina a toutefois déjà averti que les stades et salles de concert pourraient, dans le pire des scénarios, rester vides pendant 18 mois.
Le Danemark rouvre mercredi crèches et écoles maternelles et primaires. A l'arrêt depuis plus d'un mois, l'Italie (21.000 morts) a autorisé des réouvertures localisées et très limitées de certains commerces.
Par exemple les librairies. Marilia Di Giovanni a rouvert la sienne à Syracuse, et le premier livre qu'elle a vendu est "Le vieux qui lisait des romans d'amour", de Luis Sepulveda, l'écrivain chilien infecté par le coronavirus, raconte-t-elle à l'agence Agi. Mais de nombreuses régions ont pris des arrêtés prolongeant la fermeture des librairies, notamment celles de Rome, Turin, Naples, et Milan (Lombardie, nord), régions qui représentent plus de 40% de la population.
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En Autriche, ce sont les parcs et les petits commerces qui ont rouvert mardi. L'artère commerçante du quartier viennois de Favoriten a retrouvé de l'animation, même si les mesures de précaution en changent l'allure: beaucoup de clients font la queue à l'extérieur des magasins, à bonne distance les uns des autres. En Espagne, troisième pays le plus endeuillé au monde (18.000 morts environ), une partie des travailleurs ont repris lundi le chemin des usines et des chantiers, après deux semaines d'arrêt quasi total de l'économie, qui avait été limitée aux "secteurs essentiels".
La République tchèque a de son côté présenté un plan de déconfinement par étapes, à partir du 20 avril.
La France avait été le premier des grands pays les plus touchés (avec plus de 15.700 décès) à donner une date, le 11 mai, pour le début du déconfinement, qui sera progressif. Deux nouveaux événements majeurs se sont ajoutés mardi à la liste de ceux touchés par le coronavirus: le départ du Tour de France cycliste sera reporté, peut-être au 29 août, et l'édition 2020 du Festival de Cannes pourrait prendre de "nouvelles formes".
Le retour à la normale n'est encore que très marginal, la moitié de la population mondiale restant confinée. Le Premier ministre Narendra Modi a d'ailleurs annoncé mardi la prolongation au moins jusqu'au 3 mai du confinement en Inde de 1,3 milliard d'habitants, le contingent national le plus important de la planète. Outre son bilan macabre, le coronavirus a entraîné une crise économique rare. "Il est très probable que cette année, l'économie mondiale connaîtra sa pire récession depuis la Grande Dépression" des années 1930, a estimé mardi l'économiste en chef du FMI Gita Gopinath.
Aux Etats-Unis, pour essayer de limiter la casse, l'administration Trump et les compagnies aériennes américaines ont conclu mardi un accord de principe sur un plan de sauvetage destiné à éviter leur faillite et des cascades de licenciements.
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Prise de température générale, isoloirs spéciaux pour les électeurs fiévreux, bureaux de vote dédiés aux personnes en quarantaine... Les Sud-Coréens ont commencé à voter mercredi matin pour les législatives, et une forte participation est attendue en dépit de la menace du nouveau coronavirus.
L'épidémie est née en Chine et y est désormais jugulée. Mais les relations se tendent entre Pékin et d'autres pays. A Paris, l'ambassadeur de Chine a été convoqué pour être chapitré. En cause, un texte publié dimanche par l'ambassade où il est notamment écrit, sans preuves, que les soignants des établissements pour personnes âgées (Ehpad) ont "abandonné leurs postes du jour au lendemain (...) laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie".
Et après l'Union africaine, le Nigeria est monté au créneau mardi pour dénoncer des discriminations "inacceptables" à l'égard de ses ressortissants en Chine à la suite de la découverte de cas positifs au Covid-19, alimentant une polémique embarrassante pour Pékin, en pleine offensive de charme sur le continent.
Au Nigeria, justement, qui ne compte officiellement qu'une dizaine de victimes, plusieurs Etats, dont celui de sa capitale économique Lagos, ont adopté des mesures de confinement très strictes qui empêchent toute activité économique non essentielle. Résultat: un surcroît de criminalité et de peur.
Des jeunes armés de machettes et de couteaux pillent à la recherche de nourriture et d'argent. "Ce sont des +cultistes+, ces gangs qui terrorisent les communautés, qui profitent du confinement pour nous voler et violer nos femmes", explique Alhaji Mufu Gbadamosi, un chef traditionnel. Mais il y a parfois de bonnes nouvelles sur la planète coronavirus: mardi à Brasilia, un homme est sorti de l'hôpital après avoir guéri du Covid-19, sous les applaudissements et au son d'une trompette. C'est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale: 99 ans.