La mort de Nahel, 17 ans, et les violences urbaines qui ont suivi, sans précédent depuis 2005, ont jeté une lumière crue sur les maux de la société française, des difficultés des quartiers populaires aux relations houleuses entre jeunes et forces de l’ordre.
Une marche également prévue samedi en banlieue parisienne, à la mémoire d’Adama Traoré, un jeune homme noir décédé peu après son interpellation par des gendarmes en juillet 2016 a, elle, été interdite en raison du contexte de violences.
Cette marche commémorative était prévue samedi après-midi à Persan et Beaumont-sur-Oise, au nord de Paris, mais le préfet l’a interdite jeudi et sa décision a été confirmée vendredi soir par la justice administrative, saisie en urgence par la soeur aînée d’Adama, Assa Traoré.
Les juges des référés (procédure d’urgence) ont motivé leur décision par «le contexte des émeutes qui ont suivi le décès de Nahel», tué à bout portant par un policier lors d’un contrôle routier le 27 juin à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris.
Ces derniers «ont estimé que, bien que les violences aient diminué ces derniers jours, leur caractère extrêmement récent ne permet de présumer que tout risque de trouble à l’ordre public ait disparu». La préfecture a demandé «aux organisateurs de bien vouloir respecter cette décision de justice et d’appeler publiquement à ne pas se rendre sur les lieux».
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Dans un message vidéo diffusé sur Twitter, Assa Traoré a confirmé qu’«il n’y aura pas de marche (samedi) à Beaumont-sur-Oise».
«Le gouvernement a décidé de mettre de l’huile sur le feu» et «de ne pas respecter la mort de mon petit frère», a-t-elle accusé, évoquant «un manque de respect total» et qualifiant de «prétexte» l’argument brandi par le préfet d’une pénurie de forces de l’ordre pour sécuriser le cortège.
Mais cette figure du combat contre les violences policières n’a pas renoncé à manifester: Assa Traoré a indiqué qu’elle serait présente «samedi à 15H00 place de la République», au coeur de Paris, pour crier «au monde entier que nos morts ont le droit d’exister, même dans la mort».
Elle n’a toutefois pas directement appelé ses soutiens à la rejoindre, ce qui aurait pu être assimilé à l’organisation d’une manifestation sauvage, donc illégale.
«Deuil et colère»
Sur l’emblématique place de la République, Assa Traoré devrait rallier une «marche pour la justice» annoncée parmi une trentaine d’autres manifestations contre les violences policières répertoriées du Nord au Sud du pays sur une carte en ligne.
Près d’une centaine d’associations, syndicats et partis politiques classés à gauche ont appelé à ces «marches citoyennes», pour exprimer «deuil et colère» et dénoncer des politiques jugées «discriminatoires» contre les quartiers populaires.
Ces organisations mobilisées «pour le maintien des libertés publiques et individuelles», demandent «une réforme en profondeur de la police, de ses techniques d’intervention et de son armement».
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Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a critiqué vendredi des organisations dont «la seule proposition», selon lui, est «d’appeler à manifester (...) samedi dans les grandes villes qui ne se sont pas encore remises des saccages».
Il a particulièrement pointé la responsabilité des élus, dont ceux de la France insoumise (opposition, extrême gauche), qui avaient appelé à se joindre à la marche interdite de Beaumont, les accusant de sortir «de l’arc républicain».
Depuis le 27 juin, plus de 3.700 personnes ont été placées en garde à vue en lien avec ces émeutes, dont quelque 1.160 mineurs, selon des chiffres du ministère de la Justice, qui a fait état vendredi de près de 400 incarcérations.