Théâtre de la manifestation historique qui avait suivi les attaques contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher le 11 janvier 2015, la place de la République à Paris s'est remplie en début d'après-midi de milliers de manifestants, enseignants, élus et anonymes venus défendre la liberté d'expression, dire non à "l'obscurantisme" et chanter la Marseillaise.
"Je suis là comme prof, comme maman, comme Française et comme républicaine", a déclaré Virginie, 52 ans, une professeure de musique de la région parisienne. "J'espère qu'il y aura beaucoup de monde, que toute la France osera se lever parce que l'union fait la force".
Samuel Paty a été décapité vendredi vers 17H00 près du collège où il enseignait l'histoire-géographie dans un quartier calme de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Son assaillant, un Russe tchétchène de 18 ans, a ensuite été tué de neuf balles par la police.
Dans un message diffusé sur Twitter, il a expliqué son geste en disant vouloir se venger de celui "qui a osé rabaisser Muhammad".
"Je suis venue (...) pour m'indigner contre cet acte odieux et affreux", a expliqué une autre manifestante parisienne, Guigané, 34 ans. "Il ne faut pas que cette violence s'installe et devienne notre quotidien", a ajouté cette médiatrice socio-culturelle de l'Essonne, son fils de 4 ans sur les épaules.
Le Premier ministre Jean Castex est apparu dans le cortège parisien. A ses côtés, son ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer et sa collègue déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa "en soutien aux professeurs, à la laïcité à la liberté d'expression et contre l'islamisme".
Les patrons de La République en marche, Stanislas Guerini, de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, du Parti socialiste, Olivier Faure, et d'Europe-Ecologie-Les Verts, Julien Bayou, ont eux aussi prévu de joindre le cortège à la tête de leurs troupes.
A Lyon, la place Bellecour, l'une des plus grandes du pays, était elle aussi noire de 6.000 personnes selon la préfecture, réunies face à la statue de l'Homme de Pierre, symbole de la Résistance, un autocollant "je suis enseignant" au revers de leur veste ou une rose à la main.
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Quelque 300 personnes se sont également rassemblées à la mi-journée à Nice. "Tout le monde est en danger aujourd'hui, il y a eu d'autres attentats déjà qui visaient un journal ou tout simplement des citoyens comme ici à Nice, et maintenant il faut que ça change", a estimé Valentine Mule, 18 ans, étudiante en première année de droit à Nice.
A Limoges, plusieurs centaines de personnes se sont réunies place de la République pour rendre hommage au professeur d'histoire assassiné.
Un hommage national sera rendu mercredi en coordination avec la famille de l'enseignant assassiné, a annoncé l'Elysée, sans en préciser le lieu.
Le conseil départemental des Yvelines a proposé de rebaptiser de son nom le collège où il enseignait.
Les enquêteurs ont poursuivi ce dimanche leurs investigations pour remonter le fil des responsabilités et des éventuelles complicités dans l'attentat.
L'assaillant a été identifié comme Abdoullakh Anzorov, né à Moscou et réfugié en France avec sa famille.
Dans sa ville d'Evreux, ses voisins du quartier tranquille où il vivait décrivent un jeune homme "discret", "plongé dans la religion" depuis trois ans. Il n'était toutefois pas fiché pour radicalisation par les services de renseignement.
Une onzième personne, issue de son entourage, a été placée dimanche matin en garde à vue, selon une source judiciaire, qui n'a précisé ni son identité ni les raisons de son interpellation.
Les parents, qui ont obtenu l'asile politique en France il y a dix ans, le grand-père et le petit-frère du tueur, ainsi que des membres de son entourage proche ont été interpellés dès vendredi soir par les policiers et se trouvaient toujours en garde à vue dimanche.
Le père d'une élève de la victime et un militant islamiste très actif connu de la police, Abdelhakim Sefrioui, ont eux aussi été arrêtés et étaient toujours interrogés depuis samedi. Les deux hommes avaient entamé une campagne de mobilisation pour dénoncer l'initiative du professeur de montrer à sa classe de 4e les caricatures de Mahomet dans le cadre d'un cours sur la liberté d'expression, et appelé à son renvoi du collège.
Les enquêteurs cherchent notamment à établir d'éventuels liens entre ces deux hommes et le tueur. A-t-il été "piloté" ou a-t-il de lui-même décidé de s'en prendre au professeur ?
Un conseil de défense, présidé par Emmanuel Macron, se réunit dimanche à 18H00 pour évoquer notamment l'état de la menace islamiste.