Figure longtemps influente mais controversée de l'islam européen, Tariq Ramadan, 57 ans, est mis en examen (inculpé) depuis février 2018 pour le viol de deux femmes en France. Il a passé près de dix mois en détention provisoire en région parisienne avant d'être remis en liberté en novembre 2018.
L'intellectuel musulman a nié tout rapport sexuel avec ces deux femmes, avant d'être contredit par l'enquête et d'évoquer aujourd'hui des "relations consenties".
Il est également accusé par deux autres femmes de viols, dont l'un en réunion, des plaintes déposées en mars 2018 et juillet dernier. Pour ces faits, il n'est pas poursuivi à ce jour.
Après un silence médiatique, il a dit vendredi sa volonté de "se battre", au cours d'une interview à la radio RMC et à la chaîne BFMTV qu'il avait lui-même sollicitée une dizaine de jours auparavant.
"Je me suis tu à un moment donné (...) puisque le tribunal populaire et le tribunal médiatique m'ont déterminé comme coupable", a-t-il expliqué.
Tariq Ramadan a balayé les accusations des plaignantes, s'appuyant notamment sur des SMS - qui figurent dans le dossier d'instruction - de l'une d'elles.
Alors qu'une autre femme affirme avoir été violée le 23 mai 2014 par l'islamologue et un de ses amis dans un hôtel de Lyon, il a assuré qu'il était ce jour-là "en train de donner une conférence à Baltimore devant 10.000 personnes". En fait, son intervention à ce congrès annuel s'est déroulée le 24 mai, selon le site internet des organisateurs.
Il s'est aussi posé en "victime d'un traquenard" en soulignant que plusieurs des plaignantes ou anciennes maîtresses ayant témoigné à charge se connaissaient.
Et bat en brèche toute idée d'"emprise" sur les plaignantes comme elles l'affirment. "La définition de l'emprise est devenue extensive. Dans le cas Ramadan, une femme consentante peut être violée avec son consentement", a-t-il dénoncé.
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Disant avoir été "diabolisé" sur le plan intellectuel "pendant trente ans" avant d'être désormais dépeint comme "un homme violent", Ramadan a de son côté admis "une erreur" en mentant au sujet de ses relations intimes avec certaines plaignantes.
"J'ai voulu me protéger et protéger ma famille. (...) Mais mon mensonge est complètement différent du mensonge de femmes qui disent avoir été violées", a-t-il insisté.
La révélation de ses relations extra-conjugales avait fait voler en éclats l'aura dont Tariq Ramadan bénéficiait auprès d'une partie des musulmans.
"Dans ma vie, j'ai été en contradiction avec certains de mes principes. (...) Moi, j'ai fait mon examen de conscience et, à ceux que j'ai déçus dans la communauté musulmane, je leur présente mes excuses", s'est-il défendu.
"À côté de ceci, il y a un autre combat, il y a le combat pour l'innocence. Parce que, si on peut avoir des défaillance morales, ça ne veut pas dire qu'on est coupable", a-t-il ajouté.
Cette ligne de défense, il l'emploie également dans un livre à paraître le 11 septembre, intitulé "Devoir de vérité", dont l'AFP a pris connaissance. Il y relate la manière dont il a vécu l'affaire dans un texte teinté de méditations spirituelles.
Surtout, il y dresse un parallèle entre son cas et l'affaire Dreyfus, mêlant erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme à l'encontre du capitaine Alfred Dreyfus, accusé à tort de haute trahison en 1894 avant d'être finalement réhabilité en 1906.
"Il existe, hélas, de nombreuses similarités entre les deux affaires", écrit-il.
À l'appui de sa démonstration, il cite notamment "le racisme antimusulman qui s'est installé" en France, selon lui "quotidiennement nourri par des politiques et des journalistes", et qu'il compare à la parole antisémite qui "s'était dangereusement libérée" à la fin du XIXe siècle dans le pays.
"Tariq Ramadan se compare à Dreyfus et se demande si LUI accordera son pardon aux plaignantes. L'inversion accusatoire la plus indigne !", a réagi sur Twitter Me Jonas Haddad, avocat d'Henda Ayari, la première femme à avoir porté plainte.
De son côté, le Conseil représentatif des insitutions juives de France (Crif) a estimé que ce rapprochement historique était "une insulte à la mémoire d'Alfred Dreyfus et une offense à tous ceux qui ont oeuvré à sa réhabilitation".