Depuis près d'une semaine déjà, les frasques de son ex-collaborateur Alexandre Benalla, filmé en train de malmener deux manifestants le 1er mai à Paris, nourrissent une crise que des élus de l'opposition ont qualifiée "d'affaire d'Etat", voire de "Watergate" français.
Cette crise politique est la plus grave depuis son élection en mai 2017 pour Emmanuel Macron, qui avait promis pendant sa campagne une "République exemplaire", mais ne s'est pas encore exprimé publiquement sur cette affaire bien que, selon un sondage mardi, 75% des Français souhaitent qu'il sorte de son mutisme sur l'affaire Benalla.
"La République exemplaire n'empêche pas les erreurs. S'ils cherchent un responsable, le seul responsable, c'est moi et moi seul. C'est moi qui ai fait confiance à Alexandre Benalla. C'est moi qui ai confirmé la sanction", a déclaré mardi le chef de l'Etat devant des élus et plusieurs membres du gouvernement réunis à Paris, hors la présence de la presse, selon un enregistrement de ses propos que l'AFP s'est procuré.
"Ça n'est pas la République des fusibles, la République de la haine. On ne peut pas être chef par beau temps et se soustraire lorsque le temps est difficile. S'ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu'ils viennent le chercher. Je réponds au peuple français... Personne dans mon cabinet n'a jamais été soustrait aux lois de la République. Jamais.", a assuré Emmanuel Macron, qui s'est exprimé pendant "une bonne demi-heure" devant "beaucoup" de monde, selon un élu.
Au sujet d'Alexandre Benalla, le président a aussi affirmé ne pas oublier "qu'il a été un militant très engagé pendant la campagne" à la présidentielle, mais il a dit avoir "ressenti les actes du 1er mai comme une déception et une trahison".
Plus tôt dans la journée, le Premier ministre Edouard Philippe avait tenté de relativiser cette saga, qui n'est pas pour lui une "affaire d'Etat", mais une "dérive individuelle", celle d'Alexandre Benalla, a-t-il soutenu, sous les ovations des députés macronistes et les quolibets de l'opposition.
"Rien n'a été masqué, rien n'a été omis", a-t-il assuré dans une atmosphère tendue. Admettant que des "questions" se posaient sur la "proportionnalité" de la sanction infligée début mai à Alexandre Benalla, il a toutefois jugé que "la célérité" de la réponse n'était "pas contestable".
Lire aussi : "France. Entre garçon posé et ""Rambo"" qu'il faut rappeler à l'ordre, qui est Alexandre Benalla?
Alexandre Benalla avait simplement été suspendu pendant 15 jours de ses fonctions et il a fallu attendre les révélations sur ses agissements, la semaine dernière, pour qu'il soit licencié et inculpé. Trois enquêtes ont d'ailleurs été ouvertes -judiciaire, parlementaire et administrative- et une question demeure: pourquoi portait-il un brassard de police lors des manifestations du 1er mai?
Dans l'après-midi, mardi, la Commission d'enquête de l'Assemblée a interrogé un premier membre de l'Elysée, le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda. "J'ai considéré que je n'avais pas assez d'éléments pour justifier" de saisir la justice pour les actes de violence de M. Benalla, a argué Patrick Strzoda. Cette décision, "je l'ai prise seul, en mon âme et conscience. Je n'en ai jamais parlé avec le chef de l'Etat (...)", a-t-il ajouté.
Le président du groupe LR (opposition de droite) à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, a annoncé le dépôt d'une motion de censure contre le gouvernement, probablement la semaine prochaine, afin qu'il "s'explique" plus amplement sur cette affaire. La France insoumise, qui cherche à déposer sa propre motion avec l'appui des communistes et des socialistes, n'a pas exclu de voter le texte LR. De leur côté, des députés LREM ont salué mardi soir un discours "bienvenu" d'un président de la République qui "assume".
Emmanuel Macron a perdu 4 points d'opinions favorables, à 32%, son niveau le plus bas depuis septembre 2017, selon un sondage Ipsos publié mardi.