"Nous ne trouvons que des morts" dans la montagne de pierres éboulées, a déclaré à l'AFP Nilar Myint, responsable de l'administration locale et coordinateur des secours dans la région très isolée de Hpakant, dans le nord du pays. Les secouristes, comprenant, selon lui la Croix Rouge locale mais aussi des renforts de l'armée et de la police, poursuivaient dimanche leurs efforts.
La Birmanie, premier producteur mondial de jade, tire de grands profits de la présence massive de la précieuse pierre dans le sous-sol de cette région minière, connue pour la qualité de son jade. Mais les conditions d'extraction sont très mauvaises, sans souci pour l'environnement et la sécurité des bataillons de mineurs illégaux sur l'existence desquels autorités et grosses compagnies minières ferment les yeux.
Ils sont en effet des milliers de travailleurs birmans pauvres à affluer dans cette région aux confins de la Chine, vivant dans des campements de fortune, pour tenter de trouver des morceaux de jade négligés par les pelleteuses et laissés dans des montagnes de remblais aux marges des mines. L'accident s'est produit samedi quand une montagne de remblais s'est effondrée sur des dizaines de ces cabanes de fortune dans lesquelles dormaient des habitants vivant de la recherche de morceaux de jade restés non exploités.
Rien que ces derniers mois, des dizaines d'habitants tentant de trouver du jade laissés par les pelleteuses des grosses compagnies minières sont morts dans des éboulements de terrain, selon les ONG. Ces drames de la pauvreté sont parfois mentionnés dans la presse locale, sans que rien ne change dans la vie de ces légions de mineurs illégaux, tentant leur chance dans les mines,à la nuit tombée le plus souvent.
Malgré les réformes menées ces dernières années, le plus grand secret continue d'entourer ce marché du jade qui reste la chasse gardée des vieilles élites ayant bâti leurs fortunes à l'époque de la junte autodissoute en 2011. La Birmanie a vendu sur le marché mondial en 2014 près de 27,5 milliards d'euros de jade, dix fois le chiffre officiel, selon un rapport publié en octobre 2015 par l'ONG Global Witness.
"Moitié du PIB"
L'ONG basée à Londres souligne que le marché du jade représente près de la moitié du Produit intérieur brut (PIB) de ce pays qui reste l'un des plus pauvres d'Asie du Sud-Est, en dépit d'une forte croissance depuis l'ouverture de l'ex-Etat paria en 2011. Rien que vers la Chine, selon les chiffres officiels de Pékin, plus de 12 milliards de dollars (10,6 milliards d'euros) de jade birman ont été importés en 2014, souligne Global Witness, dénonçant un "possible plus grand pillage de ressources naturelles de l'Histoire moderne". Les ONG dénoncent une intensification de l'activité des compagnies minières ces derniers mois.
L'opposante Aung San Suu Kyi, dont le parti a remporté une victoire écrasante aux élections du 8 novembre, doit former un gouvernement début 2016. Elle a promis de lutter contre la corruption et l'opacité de l'économie, dont l'industrie du jade est un bon exemple.
Autrefois terre de jungles luxuriantes, la région de Hpakant est désormais constellée de collines à nu, en raison de la multiplication des carrières. L'engouement des Chinois pour la précieuse pierre aux diverses nuances de vert accélère la déforestation de cette région septentrionale de l'Etat Kachin. Cette région est aux prises avec des combats entre l'armée et des groupes rebelles armées.
Le jade est une source importante de revenus pour l'Armée d'indépendance kachin (Kachin Independence Army, KIA), l'un des groupes armés ethniques les plus actifs dans ses combats avec le pouvoir central.
Ci-dessous un documentaire sur le pillage des mines de jade de Birmanie