Saisie par le président Nicolas Maduro, la Cour suprême du Venezuela, que la plupart des observateurs considèrent comme inféodée au pouvoir, a validé jeudi la réélection du président Nicolas Maduro malgré les allégations de fraude de l’opposition.
La Cour «certifie de manière non contestable le matériel électoral et valide les résultats de l’élection présidentielle du 28 juillet (...) Nicolas Maduro a été élu président de la République bolivarienne du Venezuela pour la période constitutionnelle 2025-2031», a affirmé sa présidente Caryslia Rodriguez.
Nicolas Maduro a salué une décision «historique et indiscutable», devant une foule rassemblée dans l’Etat côtier de La Guaira (nord). L’annonce de sa réélection pour un troisième mandat avait provoqué des manifestations brutalement réprimées. Elles ont fait, selon un nouveau bilan des autorités, 27 morts, 192 blessés et 2.400 personnes ont été arrêtées.
Caryslia Rodriguez a assuré que «les bulletins émis par le Conseil national électoral (CNE) (...) sont étayés par les procès-verbaux de décompte émis par chacune des machines à voter» et «coïncident pleinement avec les enregistrements des bases de données des centres nationaux de décompte».
Nicolas Maduro a été proclamé vainqueur avec 52% des voix par le CNE, qui n’a cependant pas rendu publics les procès-verbaux des bureaux de vote, se disant victime d’un piratage informatique. Une telle attaque est jugée peu crédible par l’opposition et de nombreux observateurs, qui y voient une manœuvre du pouvoir pour éviter de divulguer le décompte exact.
Élection «nulle»
Selon l’opposition, qui a rendu publics les procès-verbaux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a remporté le scrutin avec plus de 60% des voix. Le président du Parlement Jorge Rodriguez a cependant affirmé qu’ils étaient «faux».
Quelques minutes après l’annonce de la décision de la Cour, Edmundo Gonzalez Urrutia a publié sur le réseau X la mention «Nulle» écrite en rouge. L’objectif du TSJ était de «plaire» à Nicolas Maduro, a fustigé l’opposant dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, estimant que «judiciariser les résultats des élections ne change pas la vérité».
Avant même la décision, il s’était adressé aux juges de la haute cour: «aucune décision ne remplacera la souveraineté populaire. Le pays et le monde connaissent votre partialité et, par conséquent, votre incapacité à résoudre le conflit; votre décision ne fera qu’aggraver la crise».
Dans son arrêt, le TSJ accuse Gonzalez Urrutia d’«outrage» pour ne pas s’être présenté à ses convocations contrairement à tous les autres candidats dont M. Maduro, et demande «des sanctions». Le procureur général Tarek William Saab a indiqué que le parquet allait «approfondir» son enquête sur M. Gonzalez Urrutia et la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado concernant la procédure déjà ouverte pour «usurpation de fonctions (...) et conspiration».
Samedi, lors d’une manifestation de l’opposition, Maria Corina Machado a assuré que la mobilisation allait se poursuivre. «Nous n’abandonnerons pas la rue. La voix du peuple se respecte. Le monde entier et tout le Venezuela reconnaissent que le président élu est Edmundo Gonzalez Urrutia», avait-elle lancé.
M. Maduro peut, lui, compter sur l’armée, que l’opposition espérait rallier à sa cause. Après avoir à plusieurs reprises rappelé sa «loyauté» au chef de l’Etat depuis le 28 juillet, le ministre de la Défense Vladimir Padrino a estimé jeudi après l’annonce du TSJ que les «institutions fonctionnaient» bien.
Accusations de fraude
Une grande partie de la communauté internationale, et notamment les États-Unis, l’Union européenne et des pays d’Amérique latine, n’ont pas reconnu la réélection du président socialiste.
Le président chilien Gabriel Boric, comme ses homologues uruguayen Luis Lacalle et guatémaltèque Bernardo Arévalo, a rejeté le jugement de la Cour vénézuélienne, estimant que le Tribunal «achève de consolider la fraude».
Jeudi, une mission indépendante de l’ONU chargée d’évaluer la situation des droits humains au Venezuela a «alerté sur le manque d’indépendance et d’impartialité» de la Cour suprême et du CNE, soulignant leur «rôle dans l’appareil répressif de l’État», selon un message sur X du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
«Ce n’est rien d’autre qu’une tentative grossière de couvrir la fraude devant la justice», a réagi sur X Juanita Goebertus, directrice régionale de l’ONG Human Rights Watch.