Ukraine: bientôt une réponse de l'UE à l'adhésion, combats acharnés à Severodonetsk

Une petite fille joue à la balançoire dans une aire de jeux devant un immeuble résidentiel détruit de la ville de Borodyanka, le 7 juin 2022, au cours de l'invasion russe de l'Ukraine.

Une petite fille joue à la balançoire dans une aire de jeux devant un immeuble résidentiel détruit de la ville de Borodyanka, le 7 juin 2022, au cours de l'invasion russe de l'Ukraine. . Sergei CHUZAVKOV / AFP

La demande de l'Ukraine d'obtenir le statut de candidat à l'Union européenne aura bientôt une réponse, a promis hier, samedi, la présidente de la Commission européenne en visite à Kiev, alors que les forces russes s'acharnent sur l'est du pays.

Le 12/06/2022 à 06h47

«Les discussions d'aujourd'hui vont nous permettre de finaliser notre évaluation d'ici la fin de la semaine prochaine», a déclaré Ursula von der Leyen, après un entretien avec le président Volodymyr Zelensky.

L'Ukraine réclame un «engagement juridique» lui permettant d'obtenir au plus vite un statut de candidat officiel à l'Union européenne, mais les Vingt-Sept sont très divisés sur la question.

«Nous voulons soutenir l'Ukraine dans son parcours européen», a assuré Ursula von der Leyen. «Nous voulons regarder vers l'avenir. Vous avez fait beaucoup, mais il y a encore beaucoup à faire, pour lutter contre la corruption par exemple».

Pour l'Ukraine, le statut de candidat serait «un point de départ», avec à la clé un long processus de négociations et de réformes, a reconnu Volodymyr Zelensky.

Il n'empêche, a-t-il dit dans un message vidéo samedi soir, «nous allons travailler de façon encore plus puissante à tous les niveaux pour obtenir la bonne décision. Elle est très importante pour nous».

Sur le terrain, les combats dans l'est de l'Ukraine s'intensifient, tandis que l'armée russe pilonne toujours la périphérie de Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine.

La zone autour de Tchortkiv, dans l'ouest de l'Ukraine, a aussi été bombardée dans la soirée, a indiqué le gouverneur régional Volodymyr Trouch.

Signe de la détermination de Moscou à mettre la main sur ce que le Kremlin considère comme des terres russes, les premiers passeports russes ont été remis à 23 habitants de Kherson, grande ville du sud de l'Ukraine occupée et gérée administrativement par des autorités prorusses, selon l'agence officielle russe TASS.

Un hôpital est également en construction par l'armée russe à Lougansk (est).

«La Russie possède toujours un potentiel suffisant pour mener une longue guerre contre notre pays», a indiqué le département des renseignements militaires (GUR) au sein du ministère de la Défense ukrainien.

Villes «privées d’électricité»Volodymyr Zelensky a accusé vendredi la Russie de vouloir «dévaster chaque ville du Donbass, chacune, sans exagération».

La bataille pour la ville-clé de Severodonetsk et sa jumelle Lyssytchansk apparaît de plus en plus violente.

«Afin de décourager nos troupes, l'ennemi pilonne nos positions et essaie de remporter le combat des tirs d’artillerie», a indiqué dans la nuit de samedi à dimanche le commandement opérationnel ukrainien de la région sud.

Il a précisé que l'armée de l'air ukrainienne avait détruit au cours des dernières 24 heures des dépôts de munitions et des équipements lors de trois frappes aériennes, sans indiquer de localisation.

«Des combats de rue acharnés se poursuivent à Severodonetsk», a dit le président Zelensky samedi soir, tout en signalant la reprise par les forces ukrainiennes de localités comme Tavriïské dans la région de Kherson, et dans celle de Zaporijjia.

L'état-major ukrainien a précisé dimanche matin que les Russes menaient «sans succès» des assauts contre Severodonetsk, soulignant que les soldats ukrainiens avaient aussi repoussé l'armée de Moscou près de Vrubivka, Mykolaevka ou encore Vasyivka.

Prendre Severodonetsk ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville, Kramatorsk, une étape pour conquérir l'intégralité du bassin du Donbass, région essentiellement russophone en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.

Selon un membre de l'administration militaire de Donetsk, «toutes les grandes villes du territoire libre» de cette région «sont privées d’électricité» depuis samedi en début de soirée. Il cite Kramatorsk, Slavyansk, Konstantinovka, Druzhkivka et Bakhmut.

A la télévision, le gouverneur de la région de Lougansk Serguiï Gaïdaï a décrit une sitution «difficile» à Popasna, à Severodonetsk et près de la rivière de Siversky Donets, dont le niveau a tellement baissé qu'il redoute de nouvelles tentatives russes de franchissement pour aller établir une nouvelle tête de pont près de Bilogorivka. «A Tochkivka, de très puissants combats sont en cours», a-t-il également indiqué.

A Severodonetsk, la défense ukrainienne est retranchée sur le site d'une usine chimique Azot. «Des combats permanents se poursuivent», a précisé Serguiï Gaïdaï. «L'enceinte de l'usine Azot est bombardée de façon puissante pendant des heures, à l'aide d'armes de gros calibre», a-t-il détaillé, évoquant «des combats de rue avec des armes à feu» mais aussi la destruction «étage par étage» par l'artillerie russe d'immeubles utilisés comme abris par les forces ukrainiennes.

«Severodonetsk n'est pas libérée à 100% (...) En tout état de cause (...), Severodonetsk (...) Lyssytchansk sera à nous», a déclaré Leonid Passetchnik, dirigeant de la région séparatiste de Lougansk.

A Lyssytchansk, les habitants ont le choix entre fuir et perdre leur foyer, ou rester exposés aux bombardements.

Yevhen Jyryada, 39 ans, dit que le seul accès à l'eau potable se fait par un centre de distribution en ville. «Nous devons aller là-bas sous les bombardements et sous les tirs», raconte-t-il, «c'est ainsi que nous survivons».

Depuis plusieurs jours, les combats sont également intenses dans la région de Mykolaïv, voisine de la ville portuaire d'Odessa (sud). L'avancée russe a cependant été stoppée aux abords de la ville.

Le commandement opérationnel a précisé que les forces russes avaient tiré des missiles sur les faubourgs de cette ville, un «feu continu qui met sous pression psychologique la population civile».

La semaine dernière, «trois obus sont tombés sur les immeubles résidentiels et mon appartement a tremblé», décrit Igor Karputov, 31 ans.

«J'ai aidé un monsieur qui saignait avant que l'ambulance arrive, puis je suis arrivé là où un autre impact avait eu lieu et là, les secours prenaient déjà en charge quelqu'un. Mais cette personne était morte. Celle que j'avais aidée est décédée dans l’ambulance», raconte-t-il.

Blocus du port d'OdessaLes Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux de nouvelles armes plus puissantes, et des munitions.

La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, notamment des Himars d'une portée d'environ 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et Londres.

La France s'est dite prête à aider pour lever le blocus du port d'Odessa, afin de faire sortir d'Ukraine les céréales dont le blocage provoque une crise alimentaire mondiale.

L'annonce a été faite par un conseiller du président français Emmanuel Macron, qui a reçu vendredi le président sénégalais Macky Sall, également président de l'Union africaine.

Macky Sall avait appelé jeudi au déminage du port d'Odessa et indiqué avoir reçu des assurances du président Vladimir Poutine que les Russes n'en profiteraient pas pour attaquer, comme le redoutent les Ukrainiens.

Selon le commandement opérationnel, les Russes ont étoffé leur flotte dans la mer Noire en mobilisant «deux grands navires de débarquement».

L'invasion russe lancée le 24 février a paralysé les exportations de céréales de l'Ukraine -acteur majeur de ce secteur- et provoqué une flambée des prix des céréales et des engrais, menaçant de crise alimentaire de nombreux pays, surtout africains et moyen-orientaux.

Une crise qui va planer sur la première réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, la première en plus de quatre ans, qui débute dimanche.

S'adressant par vidéo au Shangri-La Dialogue, forum sur la sécurité en Asie-Pacifique, Volodymyr Zelensky a appelé une nouvelle fois la communauté internationale à faire pression pour obtenir que la Russie mette fin au blocus des ports ukrainiens de la mer Noire, faute de quoi, a-t-il dit, «la pénurie de produits alimentaires mènera inexorablement au chaos politique, ce qui risque de provoquer le renversement de nombreux gouvernements».

Le ministre chinois de la Défense Wei Fenghe, s'exprimant lors de ce forum, a affirmé dimanche que Pékin «soutenait les pourparlers de paix» entre les deux belligérants et a assuré que son pays n'avait «jamais fourni de soutien matériel à la Russie» dans ce conflit.

Le 12/06/2022 à 06h47