Turquie: décès du prédicateur Fethullah Gülen, ex-allié devenu ennemi juré d’Erdogan

Le prédicateur turc Fethullah Gülen dans sa résidence à Saylorsburg, en Pennsylvanie, le 24 septembre 2013. (S.Sevi/Zaman Daily/AFP)

La télévision publique turque TRT a annoncé lundi la mort du prédicateur Fethullah Gülen, en exil volontaire aux États-Unis. Ancien allié du président Recep Tayyip Erdogan, il a été accusé par Ankara d’être l’instigateur d’une tentative de coup d’État en Turquie en juillet 2016.

Le 21/10/2024 à 07h50

La télévision publique turque TRT a annoncé lundi la mort du prédicateur musulman Fethullah Gülen qui était installé en Pennsylvanie, aux États-Unis. Le prédicateur, âgé de 83 ans, inspirateur du mouvement Gülen, est décédé «la nuit dernière à l’hôpital». En exil volontaire outre-Atlantique depuis 1999, l’imam, à la tête d’un mouvement aussi puissant qu’opaque, est tenu pour responsable de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, ce qu’il a toujours nié.

Autrefois allié au mouvement güleniste, le président turc Recep Tayyip Erdogan en avait fait son ennemi juré et fait procéder depuis à des centaines d’arrestations dans les rangs de ses partisans. Le prédicateur, accusé par le pouvoir turc de diriger un groupe «terroriste» et déchu de sa nationalité turque en 2017, affirmait qu’il ne s’agissait que d’un simple réseau d’organisations caritatives et d’entreprises nommé «Hizmet» («Service», en turc).

D’allié à ennemi public numéro 1

Fethullah Gülen et Recep Tayyip Erdogan furent avant cela longtemps alliés: le chef de l’État turc a même profité du réseau Gülen, dans les années 2000, pour s’imposer face à l’establishment kémaliste. Mais l’entente cordiale entre les deux hommes vole en éclats lorsqu’un scandale de corruption, orchestré par des magistrats acquis à la nébuleuse guléniste, éclabousse fin 2013 le cercle des intimes de l’alors Premier ministre Erdogan.

Fethullah Gülen devient dès lors l’ennemi public numéro 1. À la tête d’un mouvement présent sur tous les continents, notamment via un tentaculaire réseau d’écoles privées, il est accusé d’avoir mis en place un État parallèle.

Après le putsch manqué de juillet 2016, une chasse aux gulénistes est lancée: des poursuites ont été engagées contre près de 700.000 personnes, et 3.000 d’entre elles, accusées d’avoir joué un rôle dans le coup d’État raté, ont été condamnées à la prison à vie, selon les autorités turques.

Dans le cadre de purges sans précédent, plus de 125.000 personnes ont été limogées des institutions publiques, dont quelque 24.000 soldats et des milliers de magistrats. Des établissements d’enseignement privé, des médias et des maisons d’édition ont aussi été fermés.

Né au tournant des années 40 dans la province d’Erzurum, dans l’est de la Turquie, Fethullah Gülen est passé «d’imam quelconque dans les années 1970» à «dirigeant spirituel d’une vaste communauté qui rassemble des millions de sympathisants (...), présente dans tous les secteurs de l’économie, dans l’éducation, au sein des médias, mais aussi dans divers secteurs de l’administration», relève Bayram Balci, chercheur au Ceri-Sciences Po à Paris, dans une étude parue en 2021.

Le prédicateur menait depuis 1999 une vie de reclus dans les Poconos, une région montagneuse et boisée de Pennsylvanie, dans le nord-est des États-Unis, et n’apparaissait que très rarement en public.

Par Le360 (avec AFP)
Le 21/10/2024 à 07h50