Cette mise en examen avait été réclamée au printemps 2018 par le parquet de Paris. Mais les juges avaient suspendu jusqu'ici leur décision sur le cas de cette ancienne escort-girl.
L'islamologue de 58 ans, qui s'estime victime de la vengeance d'anciennes maîtresses, s'est présenté jeudi au tribunal de Paris pour un nouvel interrogatoire au cours duquel lui ont été notifiées ces nouvelles charges, a appris l'AFP auprès de ses avocats.
«Il n'y aucun élément nouveau, c'est une mise en examen de pure forme pour pouvoir organiser prochainement la confrontation», ont dénoncé les avocats, Mes Nabila Asmane, Ouadie Elhamamouchi et Philippe Ohayon.
Dans ce volet, «ce n'est pas la parole de Tariq Ramadan contre celle de cette femme, c'est cette femme contre ses propres mensonges graves et concordants», ont-ils ajouté.
Pour l'avocat de la plaignante, «c'est un tournant fort». «Les investigations ont démontré combien la parole de ma cliente était aussi fiable que constante», a réagi Me Eric Morain.
Le témoignage de Mounia Rabbouj, partie civile lors du procès pour proxénétisme du Carlton, où comparut l'ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn, a joué un rôle important dans l'affaire.
Cette femme de 47 ans avait porté plainte en mars 2018 contre l'intellectuel musulman, l'accusant de l'avoir violée à neuf reprises en France, à Londres et à Bruxelles, de 2013 à 2014.
A l'époque, en mars 2018, Tariq Ramadan niait encore toute relation extra-conjugale. Il était en détention provisoire depuis sa mise en examen le 2 février pour les deux premières plaintes: celles d'Henda Ayari et d'une femme surnommée «Christelle», qui l'accusent respectivement d'un viol en 2012 à Paris et en 2009 à Lyon.
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A l'appui de son récit, Mounia Rabbouj avait livré une robe tachée du sperme de l'islamologue. Et en juin 2018, ce dernier admettait finalement des relations adultères avec cette femme et d'anciennes maîtresses ayant témoigné.
Sa défense avait produit plus de 300 vidéos et plus de 1.000 photos à caractère érotique ou pornographique pour démontrer une relation «dominant/dominé», nourrie de rapports «fougueux», mais «complices» et consentis. Les magistrats ne l'avaient pas mis en examen.
Quant à Mounia Rabbouj, après un premier interrogatoire serré des juges en juillet 2018, elle avait hésité à retirer sa plainte.
Sur les réseaux sociaux, elle racontait avoir été influencée par ses premiers avocats, qui l'auraient conduite à porter plainte pour viols alors qu'elle voulait uniquement dénoncer violences et humiliations.
«Le mot viol me fait peur», s'est-elle expliquée en juillet dernier, lors d'une seconde audition en deux ans, lors de laquelle elle a maintenu sa plainte.
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«La violence était tout le temps là. Dans les gestes, les actes, dans les mots (...) c'était vraiment hard», a-t-elle expliqué à la magistrate, selon son audition consultée par l'AFP.
La récurrence des rendez-vous - neuf en deux ans, dont deux chez elle - et l'abondance des communications crues entre elles et l'islamologue ont d'abord semblé laisser les enquêteurs sceptiques.
La plaignante explique s'être sentie «coincée» dans cette relation. «Il me menaçait de révéler au grand jour les choses que je lui avais racontées sur ma vie" mais "je n'ai jamais été d'accord avec le fait qu'il me brutalise», selon son récit.
«Il voulait que je lui sois soumise totalement. Corps et âme», a-t-elle encore confié. «C'était comme une punition pour moi (...) je me disais qu'il avait le droit de faire ça parce que j'avais été une prostituée».
L'intellectuel suisse est par ailleurs poursuivi depuis février dernier pour des soupçons de viols sur deux femmes, en 2015 et 2016, dont une a porté plainte.
Sorti de prison en novembre 2018 après dix mois, Tariq Ramadan a vu ces jours-ci son contrôle judiciaire allégé à un pointage tous les 15 jours. Il peut désormais quitter la France, mais uniquement pour déférer aux convocations de la justice suisse. Une procédure pour viol est ouverte depuis 2018 à Genève, où il doit se rendre début novembre.