Syrie: Washington annonce avoir établi un «contact direct» avec les nouveaux maitres de Damas

Deux combattants anti-régime tiennent une position à la périphérie de la ville d'Alep, dans le nord du pays, le 29 novembre 2024.

Deux combattants anti-régime tiennent une position à la périphérie de la ville d'Alep, dans le nord du pays, le 29 novembre 2024. AFP or licensors

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a affirmé samedi que son pays avait établi un «contact direct» avec Hayat Tahrir al-Sham (HTS), groupe islamiste à la tête de la coalition qui a pris le pouvoir en Syrie, entraînant la chute de Bachar al-Assad.

Le 15/12/2024 à 06h31

La Turquie, acteur majeur dans le conflit en Syrie et soutien des nouvelles autorités, a par ailleurs rouvert son ambassade à Damas après plus de 12 ans de fermeture.

Des agents de la circulation relevant des nouvelles autorités ont été déployés samedi dans les rues de la capitale, où les employés municipaux nettoient les routes. La plupart des commerces ont rouvert, y compris le célèbre souk al-Hamidiyé dans le vieux Damas, selon des correspondants de l’AFP sur place.

«Il faut qu’on relance rapidement l’activité dans le souk», affirme Amjad Sandouq, un commerçant. «Le régime est tombé, mais l’État n’est pas tombé, grâce à Dieu».

«Syriens eux-mêmes»

Lors d’une offensive de 11 jours lancée depuis Idleb (nord-ouest), une coalition de factions rebelles emmenées par le groupe sunnite radical HTS a pris aux forces gouvernementales la grande partie du pays, dont Damas, mettant fin le 8 décembre à un demi-siècle de pouvoir de la famille Assad.

Dirigé par Abou Mohammad al-Jolani, HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme, mais reste classé «terroriste» par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.

«Nous avons été en contact avec HTS et d’autres parties», a indiqué M. Blinken à des journalistes à Aqaba, en Jordanie.

Il n’a pas donné davantage de détails sur les circonstances de ces échanges, mais lorsqu’il lui a été demandé si les États-Unis avaient eu un lien direct, il a répondu: «Contact direct, oui».

Blinken a précisé que ce contact faisait notamment partie des efforts visant à localiser Austin Tice, un journaliste américain enlevé en 2012 au début de la guerre civile en Syrie.

Blinken clôturait une tournée régionale qui l’a conduit en Turquie, Irak et Jordanie, pays voisins de la Syrie.

À Aqaba, Blinken a participé à des discussions réunissant des diplomates arabes, européens, turcs et l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie Geir Pedersen, qui ont convenu que le processus de transition doit «être dirigé (...) par les Syriens eux-mêmes et aboutir à un gouvernement inclusif, non sectaire et représentatif», selon un communiqué conjoint.

L’ambassade turque rouverte

Ils ont en outre souligné que la Syrie, sous le coup de sanctions internationales, avait enfin «la chance de mettre fin à des décennies d’isolement» et insisté sur «l’importance de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme».

Face aux inquiétudes de la communauté internationale, le nouveau premier ministre chargé de la transition jusqu’au 1er mars, Mohammad al-Bachir, avait promis cette semaine un État de droit et de «garantir les droits de tous».

La Turquie, qui a salué la chute de Bachar al-Assad, a rouvert samedi son ambassade à Damas.

La chancellerie avait fermé en mars 2012, un an après le début de la guerre civile en Syrie, déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie et lors de laquelle Ankara avait pris la cause des rebelles.

Pour une Syrie «pluraliste»

«Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni» est devenu le leitmotiv des Syriens depuis la fuite d’Assad avec sa famille en Russie.

Mais la liesse est accompagnée de la douloureuse quête de Syriens qui recherchent leurs proches disparus durant les décennies de répression du pouvoir Assad, accusé des pires exactions.

Plusieurs groupes armés et puissances internationales ont été impliqués dans la guerre en Syrie, qui a fait plus d’un demi-million de morts poussé à la fuite quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, morcelé et dévasté le pays.

Jolani, de son vrai nom Ahmad al-Chareh, a dénoncé de son côté l’incursion des troupes israéliennes dans le sud du territoire après la chute d’Assad, mais affirmé que son pays était trop «épuisé» par la guerre pour s’engager dans un nouveau conflit.

Le Hezbollah libanais a lui dit espérer que les nouvelles autorités ne normaliseraient pas leurs relations avec Israël, ennemi juré du mouvement pro-iranien chiite.

Israël a mené de nouvelles frappes sur des «sites militaires de l’ancien régime» à Damas et sa banlieue, détruisant un institut scientifique et un «aéroport militaire», selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

L’OSDH a recensé «61 frappes en moins de cinq heures» samedi soir de la part d’Israël, portant à «446 le nombre total de raids aériens depuis le 8 décembre».

«Israël poursuit son intensification des frappes aériennes contre le territoire syrien, notamment pour détruire complètement des tunnels sous les montagnes renfermant des entrepôts de missiles balistiques», a ajouté l’OSDH, précisant que «des missiles à fragmentation» avaient été utilisés.

Ces tunnels renferment également des «munitions, d’obus de mortier et d’autres équipements militaires», selon l’ONG, basée au Royaume-Uni, mais disposant d’un vaste réseau de sources à l’intérieur de la Syrie.

Dans le nord-est de la Syrie, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et appuyées par les États-Unis, ont salué la chute d’Assad.

Alors que la communauté kurde a été victime de discriminations pendant des décennies au temps du pouvoir d’Assad, le chef des FDS, Mazloum Abdi, a appelé samedi sur X les partis kurdes à «participer à la construction de l’avenir d’une Syrie démocratique et pluraliste».

Dans l’ouest de la Syrie, au moins quatre combattants d’une faction de la coalition au pouvoir ont été tués dans une embuscade tendue dans un fief du président déchu, selon l’OSDH.

Par Le360 (avec AFP)
Le 15/12/2024 à 06h31