Sur une vidéo postée en ligne par le ministère de la Santé de l’Etat de Khartoum, des corps gisent au sol, certains ont des membres déchiquetés qui dépassent de draps jetés à la va-vite pour les couvrir. Plusieurs sont des femmes.
Le bombardement, survenu samedi sur le quartier de Dar al-Salam à Omdourman, la banlieue nord-ouest de la capitale, a fait selon le ministère «22 morts et un grand nombre de blessés parmi les civils».
De leur côté, les Forces de soutien rapide (FSR), paramilitaires en guerre contre l’armée depuis le 15 avril, ont dénoncé «la perte tragique de plus de 31 vies et de nombreux blessés».
Toutes ces sources, comme plusieurs habitants contactés par l’AFP, affirment que le bombardement est venu des airs.
Mais l’armée a assuré dans un communiqué dimanche que ses «forces aériennes n’avaient visé aucun objectif samedi à Omdourman».
Selon des habitants, l’armée de l’air a de nouveau frappé dimanche le centre de Khartoum aux abords du palais présidentiel.
Des combats à l’arme lourde opposaient aussi les deux camps dans plusieurs quartiers du sud de la capitale, selon des témoins sur place, et des frappes aériennes ont été signalées à Oumdourman.
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Pendant ce temps, des civils ont commencé dimanche à creuser des tombes pour les victimes du raid aérien de la veille, selon d’autres témoins.
En près de trois mois de guerre entre les FSR du général Mohamed Hamdane Daglo et les troupes du général Abdel Fattah al-Burhane, près de 3.000 morts ont été recensés, un bilan très sous-estimé, des corps jonchant encore les rues inaccessibles.
Aucun respect des droits humains
Près de trois millions de Soudanais ont été forcés de quitter leur maison, dont plus de 600.000 pour l’étranger, principalement l’Egypte au nord et le Tchad à l’ouest, tant les exactions venues des deux camps se multiplient.
Farhan Haq, un porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a dénoncé «une absence totale de respect du droit humanitaire et des droits humains», notamment au Darfour, région martyre dans les années 2000 de nouveau au cœur de combats.
Dans cette vaste région de l’ouest du Soudan, où des combattants tribaux et des civils armés ont rejoint les deux camps en guerre, les combats ont pris une «dimension ethnique», affirme l’ONU alors que des habitants rapportent des «exécutions» sur la base de l’origine ethnique.
Selon l’ONU, le Soudan est «au bord d’une guerre civile totale potentiellement déstabilisatrice pour toute la région», aux confins du Sahel, de la Corne de l’Afrique et du Moyen-Orient, des zones déjà en proie aux violences avant la guerre.
Partis du cœur de la capitale, les combats, les raids aériens et les pillages qui s’ensuivent ont gagné le Darfour et le Kordofan, au sud de Khartoum, et le Nil Bleu, frontalier de l’Ethiopie au sud.
Dans la nuit, des habitants ont de nouveau rapporté à l’AFP des combats à El-Obeid, chef-lieu du Kordofan-Nord, puis une nouvelle fois dimanche après-midi.
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Les autorités de l’aviation civile ont par ailleurs prolongé jusqu’au 31 juillet la fermeture de l’espace aérien soudanais, mesure qui ne vise ni les vols transportant de l’aide humanitaire ni «les vols d’évacuation effectués avec l’approbation des autorités compétentes», a fait savoir l’aéroport international de Khartoum sur sa page Facebook dans la nuit de dimanche à lundi.
Réunion en Ethiopie
Pour tenter une sortie de crise, l’ONU plaide pour les propositions de l’Igad.
Ce bloc de l’Afrique de l’Est réunira lundi à Addis Abeba des dirigeants des quatre pays à la manœuvre sur le dossier soudanais: l’Ethiopie, le Kenya, la Somalie et le Soudan du Sud.
Un responsable de l’Igad a indiqué à l’AFP que les deux généraux en guerre avaient été invités, affirmant toutefois qu’ils pourraient envoyer des lieutenants à Addis Abeba.
Depuis le 15 avril, le général Burhane n’a été filmé que deux fois avec ses hommes et le général Daglo n’est apparu que quelques secondes dans une vidéo tournée par ses troupes. Les deux hommes n’interviennent plus que par messages sonores ou médias interposés.
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Khalid Omer Yousif, l’un des responsables civils limogés du gouvernement en 2021 par le coup d’Etat des deux généraux aujourd’hui en guerre, a annoncé que plusieurs figures civiles étaient à Addis Abeba pour «discuter avec des acteurs soudanais et internationaux afin d’accélérer les efforts de paix».
Des négociations menées par les Américains et les Saoudiens n’ont jusqu’ici accouché que de trêves temporaires, quasiment jamais respectées.
De son côté, l’Egypte a annoncé dimanche qu’elle accueillerait un sommet des voisins du Soudan le jeudi 13 juillet pour examiner «les moyens de mettre fin au conflit» et à ses «répercussions» sur les pays voisins, selon un communiqué de la présidence.