Voici quelques moments ayant marqué ces premières semaines d'audiences, censées durer quatre mois environ au tribunal fédéral de Brooklyn.
S'il est reconnu coupable, Joaquin Guzman alias El Chapo, 61 ans et évadé deux fois de prisons mexicaines, risque la perpétuité pour avoir fait livrer quelque 155 tonnes de cocaïne colombienne aux Etats-Unis entre 1989 et 2014.
La majeure partie des documents sont classés confidentiels: ni les médias ni le public n'ont accès à la plupart des motions ou communications entre avocats de la défense et de l'accusation et le juge fédéral Brian Cogan.
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L'accusation fait valoir la nécessité de protéger les témoins, cibles potentielles de proches d'El Chapo, et a demandé à limiter pour la même raison le champ des contre-interrogatoires de la défense, notamment sur les pots-de-vin qui pourraient avoir été versés par le cartel à deux anciens présidents mexicains.
Le juge a accepté la plupart des demandes du procureur et a rejeté celles des médias pour un meilleur accès aux documents.
La Mexicano-Américaine Emma Coronel, une ancienne reine de beauté de 29 ans qui a épousé El Chapo il y a dix ans et avec laquelle il a eu des jumelles, est une vedette du procès.
Elle assiste chaque jour aux audiences, souriant à son mari depuis son banc, lui apportant ses costumes.
Mais l'accusation se méfie d'elle. Depuis l'extradition d'El Chapo aux Etats-Unis en janvier 2017, elle est interdite de visite et ne peut pas lui parler au téléphone.
Les procureurs ont crié au scandale lorsqu'il est apparu qu'elle avait utilisé en novembre le téléphone d'un avocat à l'intérieur du tribunal (seuls les avocats sont autorisés à avoir un portable dans ce bâtiment). Ils craignaient qu'elle n'ait trouvé un moyen de communiquer avec son mari, même si la défense l'a catégoriquement démenti.
Selon les avocats d'El Chapo, une petite statue du "saint des narcotrafiquants" Jesus Malverde, un gangster né en 1870 dans l'Etat mexicain de Sinaloa -dont est originaire El Chapo- et qui aurait distribué son butin aux pauvres, est mystérieusement apparue dans une salle adjacente à celle utilisée par la défense.
Quelques jours plus tard, la statue avait disparu. "Où est Jesus Malverde?", a tweeté Eduardo Balarezo, le principal et flamboyant avocat d'El Chapo.
Pas un des narcotrafiquants mentionnés depuis un mois qui ne soit affublé d'un surnom. A commencer par l'accusé lui-même, alias El Chapo ("Le courtaud") ou "El Rapido", en raison de la rapidité avec laquelle il acheminait la cocaïne aux Etats-Unis.
Il y a aussi "El Arquitecto" (l'architecte), concepteur de tunnels reliant le Mexique aux Etats-Unis qui permettaient à El Chapo d'acheminer la drogue en un temps record.
Le frère d'El Chapo est "El Pollo" (le poulet) tandis que le frère de son principal associé au sein du cartel et qui est devenu un témoin-clé de l'accusation est aussi connu comme "El Rey" (Le Roi). Le fournisseur de cocaïne colombienne est "El Chupeta" (La Sucette), le pilote et gérant des affaires d'El Chapo à Mexico est "El Gordo" (Le Gros) et son bras droit est surnommé "El Licenciado" (le diplômé, en raison de ses études supérieures).
Les narcotrafiquants communiquaient aussi avec des mots codés: le "vin" désignait le kérosène pour leurs avions chargés de drogue, les "filles" pour parler des avions, les "chemises" étaient en fait la cocaïne et les "documents" évoquaient l'argent, a témoigné "Le Fier", de son vrai nom Miguel Angel Martinez.
Eduardo Balarezo joue volontiers la provocation. Comme lorsqu'il a tweeté un lien vers la chanson "Un puño de terra" (Une poignée de terre), dont "Le Gros" avait indiqué à la barre qu'elle était l'une des préférées d'El Chapo.
Quand "Le Gros" l'avait entendue depuis sa cellule d'une prison mexicaine, il avait compris que les complices d'El Chapo essaieraient de le tuer cette nuit-là. Tentative qui a échoué.
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Les procureurs avaient dénoncé le tweet comme une menace destinée aux jurés et aux témoins.
Eduardo Balarezo s'en prend aussi régulièrement à deux anciens présidents mexicains --Enrique Pena Nieto, qui vient de quitter le pouvoir, et son prédécesseur Felipe Calderon-- avec des tweets aussi sommaires que potentiellement menaçants comme "Tic...toc..."
A deux reprises, les procureurs ont montré plusieurs kilos de cocaïne aux jurés. La seconde fois, l'avocat en a pris dans ses mains et, lorsque les procureurs l'ont prié de mettre des gants, il a rétorqué: "En ce moment, j'ai besoin d'un remontant".