Politologue: qui tire (vraiment) les ficelles de la candidature de Bouteflika?

A gauche, le politologue franco-libanais Antoine Basbous.

A gauche, le politologue franco-libanais Antoine Basbous. . DR

Pour le politologue franco-libanais Antoine Basbous, la candidature de Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat est instrumentalisée par une poignée de dirigeants, réunis autour du frère du président.

Le 25/02/2019 à 13h37

On s'en doutait bien, déjà. Âgé, gravement malade et (physiquement) absent de la scène politique algérienne, Abdelaziz Bouteflika ne peut en aucun cas être celui qui a décidé de se porter candidat à un cinquième mandat de président. Dans une interview publiée ce lundi par le journal français Libération, le politologue franco-libanais Antoine Basbous ne fait que le confirmer: c'est le clan du pouvoir, mené par le frère du président Abdelaziz Bouteflika, Saïd, qui mène la danse. 

Pour lui, les dès sont jetés et Bouteflika sera bel et bien réélu à la tête du pays voisin. Et ni l'opposition algérienne, de plus en plus farouche par rapport à cette candidature, ni la situation économique en Algérie ne pourront l'empêcher.

"Il faut distinguer le Front de libération nationale, le parti au pouvoir, du clan du pouvoir. Le FLN fait partie du clan mais ce n'est pas lui qui décide, il est instrumentalisé par une poignée de dirigeants réunis autour du frère du Président, Saïd Bouteflika [âgé de 61 ans]", indique Antoine Basbous, par ailleurs directeur de l'Observatoire des Pays arabes (OPA), qu'il a créé en 1992.

Pour lui, "ce clan garde accroché au mur le portrait du Président pour pouvoir, en son nom, gérer le pays, son économie et ses pétrodollars". Le statu quo "conforte" les membres de ce clan et "leur permet de garder la main sur l'ensemble des pouvoirs, économique et financier notamment", affirme le politologue. "C'est donc par confort qu'ils ne proposent pas un autre candidat", considère celui qui a analysé les bouleversements politiques et sociaux dans le monde arabe dans son livre Le Tsunami arabe (2011).

"Les Algériens savent qu’on vote à leur place"Interrogé sur le rôle des partis politiques algériens, Antoine Basbous souligne que ceux parmi eux qui "comptent" sur la scène politique soutiennent le cinquième mandat. A commencer par le FLN, mais aussi le Rassemblement national démocratique (RND)et le Rassemblement de l'espoir de l'Algérie (TAJ).

Pour faciliter le passage de Bouteflika à un cinquième mandat, le chemin a été balisé. "Toute l'opération du cinquième mandat a été préparée par une série de purges à la tête du Sénat, du FLN, de la police, pour installer des inconditionnels du clan présidentiel", fait-il observer. Quid des autres candidats? Ont-ils une chance de l'emporter? Ils ne sont pas structurés en parti et ont peu d'assise, répond le politologue.

Le clan au pouvoir a déjà préparé les chiffres qu'il publiera le 18 avril au soir, affirme-t-il: le taux de participation, le pourcentage du président sortant. On parle d'un chiffre autour de 80 %. "Pour donner une apparence de scrutin démocratique, il faut bien quelques lièvres", ironise Antoine Basbous. "Mais tout ça c’est du théâtre, c’est fictif. D’ailleurs, la participation baisse à chaque élection, les Algériens savent qu’on vote à leur place".

Par Youssef Bellarbi
Le 25/02/2019 à 13h37