Les autorités saoudiennes ont mobilisé d'importants moyens et se sont dites prêtes à parer à toute éventualité alors qu'il y a deux ans une gigantesque bousculade avait fait près de 2.300 morts. "Chaque fois, ce sont de nouvelles émotions", affirme Tidjani Traoré, consultant dans la fonction publique originaire du Bénin. Au fil des ans, "il y a eu des innovations en termes d'organisation et d'accueil des pèlerins. Aujourd'hui par exemple, les tentes sont climatisées", ajoute-t-il en assurant effectuer son 22e pèlerinage à l'âge de 53 ans.
De l'esplanade de la Grande mosquée aux sept minarets, les pèlerins convergent à pied vers la Kaaba, construction cubique enveloppée d'une lourde étoffe de soie noire brodée au fil d'or de versets coraniques. C'est dans sa direction que les musulmans du monde entier se tournent pour prier et autour de laquelle les pèlerins effectuent les sept tours rituels (tawaf).
Les fidèles se rendront ensuite à Mina, à cinq kilomètres à l'est de La Mecque, où s'amassent des centaines de milliers de pèlerins avant d'entamer jeudi à l'aube l'ascension du mont Arafat, le moment fort du pèlerinage.
Sur l'esplanade de la Grande mosquée, appelée en arabe Masjid al-Haram (la mosquée sacrée), des brumisateurs rendent la chaleur plus supportable. Assis à l'ombre d'arbres ou de ponts en béton armé, des fidèles attendent patiemment l'appel de la prochaine prière. D'autres, plus téméraires, poursuivent leur marche, protégés par un tapis de prière ou un petit parapluie fixé sur la tête par un bandeau élastique.
Plusieurs fois dans la journée, des équipes bien rodées d'employés, majoritairement asiatiques, nettoient l'esplanade, à coups de jets d'eau. Cette année, le pèlerinage est marqué par le retour des fidèles iraniens, absents l'an dernier. La bousculade meurtrière de 2015 avait fait 464 victimes iraniennes et, quelques mois plus tard, Riyad et Téhéran avaient rompu leurs relations après l'exécution d'un dignitaire chiite en Arabie et l'attaque de missions diplomatiques saoudiennes en Iran.
"Assurer la sécurité des pèlerins est notre priorité", a insisté mardi le général Mansour Al-Turki, porte-parole du ministère de l'Intérieur. Selon lui, plus de 100.000 membres des forces de sécurité ont été déployés sur les différents sites du pèlerinage.
Le hajj intervient aussi dans un contexte de crise diplomatique entre l'Arabie saoudite et ses alliés d'un côté, et le Qatar de l'autre. Les premiers reprochent au petit émirat gazier son soutien à des groupes extrémistes et son rapprochement avec l'Iran, grand rival régional de Riyad.
Le boycott imposé au Qatar depuis le 5 juin, qui comprend notamment la fermeture des liaisons maritimes et aériennes, a empêché de nombreux Qataris de venir au hajj cette année, même si Riyad a assoupli les conditions d'entrée par la voie terrestre à deux semaines du pèlerinage.
Le grand rassemblement religieux intervient également à un moment où le groupe jihadiste Etat islamique (EI) recule dans ses fiefs irakiens et syriens mais continue à répandre la terreur, notamment au Moyen-Orient et en Europe. A quelques pas de la Kaaba, Fatiya Taha, 67 ans, ne cache pas sa joie. "J'espérais faire ce pèlerinage depuis quatre ans", assure la doyenne d'un groupe d'Egyptiennes, enfoncée dans son fauteuil roulant.
Mardi, avant même le début des premiers rites du pèlerinage, les allées marchandes ne désemplissaient pas. Une jeune femme installée à la table d'un grand glacier prie, assise, les mains croisées posées sur les genoux. Des effluves de musc embaument les allées. Gandouras, farachas et jellabas -tenues traditionnelles dans les pays d'origine des pèlerins- aux couleurs chatoyantes font fureur. Le pèlerinage est incontestablement une source de revenus pour le royaume saoudien.
Le plan de réformes économiques "Vision 2030", dessiné dans un contexte de chute du prix du pétrole, comprend l'essor du tourisme religieux. Selon des chiffres officiels, le nombre de pèlerins venus de l'étranger est en augmentation par rapport à 2016.