Il est de ces médias qui sont décidément difficiles à cerner, tant à travers leur ligne éditoriale qu'à travers leurs rapports aux faits. La chaîne française d’information en continu, France24, en fait définitivement partie. Sous d’autres cieux, ce média fait feu de tout bois et n’hésite pas à pousser le bouchon, appelant des événements aussi circonscrits dans le temps et l’espace que ceux d’Al Hoceima de «soulèvement populaire» et empruntant des images de rassemblements ayant lieu...au Venezuela. Mais quand il s’agit de l’Algérie, la même France24 est d’une étonnante, et franchement exagérée, bienveillance.
L’exemple le plus récent de ce «traitement» est la couverture faite par la chaîne de la vague de contestation en cours en Algérie contre la candidature de Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat.
Dans les faits, ils sont des milliers d’Algériens à investir les rues de la capitale, et d’autres villes du pays, contre une candidature d’un président gravement malade, à la motricité extrêmement réduite et qui est en poste depuis bien trop longtemps. C’était le cas hier encore, vendredi 22 février. Pour les stopper, les accès aux villes sont bloqués, les axes routiers mis sous intenses contrôles et les mosquées, point de départ de la plupart des manifestations d’hier, verrouillées. Même le derby algérois (USM Harrach vs Kouba) prévu ce jour-là a été reporté au 26 février.
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Cela n’empêche pas des villes comme El Tarf, Annaba, Khanchela et Guelma de marcher depuis plusieurs jours déjà, accrochages avec les services de sécurité en prime. Vendredi, c’était le cas surtout à Alger, où les manifestants, formant plusieurs cortèges, ont notamment scandé des messages aussi clairs que "Pas de 5e mandat", "Ni Bouteflika, ni Saïd (son frère, ndlr"), ainsi qu’à Oran, deuxième plus grande ville du pays et pourtant réputée festive et peu portée sur la politique.
Le tout est marqué par des violences, utilisation de gaz lacrymogène du côté des autorités et jets de pierre du côté des protestants, et des interpellations.
Hier, et n’était-ce l’intervention de la police, le palais présidentiel aurait été investi. Et sur la place phare de la capitale, La Grande Poste, un portrait du président-candidat de 81 ans a été décroché sous les hourras, lacéré et piétiné. Et c'est loin d'être une première.
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Cela se passe dans un pays où il est interdit de manifester depuis 2001 dans la capitale. Mais France24 préfère voir ailleurs, minimisant les faits et les présentant, à la limite, comme un signe d’une bonne santé démocratique dans une Algérie où le même président règne sans partage depuis…1999.
Les commentaires de la chaîne sont pour le moins stupéfiants. En gros: il faut se méfier de ces manifestations parce qu’elles sont l’œuvre de régions (notamment l’Est) foncièrement opposées au régime ou alors de parties de tendance islamiste. Les acteurs invités à s’exprimer sur le sujet, comme Ammar Ghoul, président du Parti Tajamou Amel El Djazair (évidemment pro-cinquième mandat), sont, eux, ubuesques. «L’Algérie est un pays démocratique. Et exprimer son opinion est un droit», dit-il. Rien que cela.
Quand France24 souligne, un peu forcée, le caractère sans précédent de manifestations faisant le tour de la Toile, c’est pour insister sur leur «symbolique» et le fait que c’est la première fois depuis des décennies que de tels rassemblements ont lieu. L’objet de la gronde, à savoir la candidature d’un président décidément inapte à gouverner, est mis en sourdine. Au mépris d’un peuple algérien qui demande, et le crie désormais, à être gouverné par «un leader et non un cadre-photo», Bouteflika n’étant désormais plus représenté dans les médias et les meetings que par un…cadre-photo. Et dire que nous sommes encore à deux mois du scrutin, prévu le 18 avril prochain. France24, va-t-elle se raisonner et s’en tenir aux faits? D’ici-là, la tension se fait de plus en plus grande, en Algérie
Rien n’est moins sûr.