Près d'une semaine après cette déflagration qui a fait au moins 160 morts, plus de 6.000 blessés et détruit une partie de la capitale, les autorités, accusées de corruption, de négligence et d'incompétence par la rue, n'ont toujours pas répondu à la principale question: pourquoi une énorme quantité de nitrate d'ammonium était entreposée au port, au beau milieu de la ville?
C'est un incendie dans l'entrepôt où étaient stockées 2.750 tonnes de nitrate depuis six ans sans "mesures de précaution" de l'aveu même du Premier ministre Hassan Diab, qui a provoqué la double explosion dévastatrice de mardi.
Le président Michel Aoun, de plus en plus contesté, a rejeté une enquête internationale. Et les autorités n'ont pas communiqué sur le déroulement de l'enquête locale.
Face à l'ampleur du drame et la colère d'une population éreintée, le ministre des Finances Ghazi Wazni a annoncé sa démission alors que le gouvernement était réuni. Avant lui, la ministre de la Justice Marie-Claude Najm, la ministre de l'Information Manal Abdel Samad et le ministre de l'Environnement Damianos Kattar ont présenté leur démission.
"La démission des ministres n'est pas suffisante. Ils doivent rendre des comptes", a affirmé Michelle, une jeune manifestante dont l'amie a été tuée dans l'explosion. "Nous voulons un tribunal international qui nous dise qui l'a tuée, car ils (les dirigeants, ndlr) vont dissimuler l'affaire".
Selon la Constitution, le gouvernement tombe si plus d'un tiers de ses membres démissionnent. Le cabinet de Hassan Diab avait été formé en janvier après la démission de celui de Saad Hariri sous la pression d'un mouvement de contestation populaire inédit.
Samedi, Hassan Diab a indiqué qu'il était prêt à rester dans ses fonctions pendant deux mois, jusqu'à l'organisation d'élections anticipées dans un pays dominé par le mouvement armé du Hezbollah, un allié de l'Iran et du régime de Bachar al-Assad en Syrie.
Lors des manifestations samedi et dimanche, réprimées par les forces de sécurité, les protestataires ont appelé à la "vengeance" et réclamé des comptes à une classe politique totalement discréditée après l'explosion, une catastrophe de plus dans un pays mis à genoux par une crise économique inédite aggravée par l'épidémie de Covid-19.
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Les élections anticipées ne sont pas une des principales revendications de la rue, car le Parlement est contrôlé par les forces traditionnelles qui ont élaboré une loi électorale calibrée pour servir leurs intérêts.
"Tous veut dire tous", ont clamé ces deux derniers jours les manifestants, appelant au départ de tous les dirigeants. Des effigies de nombreux d'entre eux, dont Michel Aoun et Hassan Nasrallah, ont été accrochées à des cordes de pendus lors des rassemblements.
"Il y a une seule personne qui contrôle ce pays, c'est Hassan Nasrallah", a affirmé l'un des neuf députés ayant annoncé leur démission, Nadim Gemayel. "Pour élire un président, désigner un Premier ministre (...)il faut le feu vert et l'autorisation de Hassan Nasrallah."
Alors que les Libanais continuent d'enterrer leurs morts, les secouristes ont désormais perdu tout espoir de retrouver des survivants de l'explosion.
Au grand désespoir des familles des disparus qui accusent les autorités d'avoir tardé à organiser les recherches. Moins de 20 personnes sont toujours disparues selon les autorités.
"Nous réclamons la poursuite des recherches", a lancé sur les réseaux sociaux Emilie Hasrouty, dont le frère serait enseveli sous les décombres.
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Dimanche soir, des habitants ont allumé des bougies sur une corniche surplombant le port, pour rendre hommage aux victimes.
Dans le même temps, des heurts ont opposé dans le centre-ville pour la deuxième journée consécutive manifestants aux forces de sécurité qui ont tiré gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc.
Le drame a relancé la contestation populaire déclenchée le 17 octobre 2019 pour également dénoncer la corruption des dirigeants mais qui s'était essoufflée avec la pandémie de coronavirus.
La communauté internationale, qui depuis des années réclame au pouvoir libanais des réformes et une lutte contre la corruption, a bien montré, lors d'une visioconférence dimanche co-organisée par la France et l'ONU, qu'elle ne lui faisait plus confiance.
Elle a annoncé qu'elle allait "directement" distribuer à la population les 252,7 millions d'euros d'aide aux victimes de l'explosion.
Et elle a exigé une enquête "transparente" sur les causes de la catastrophe qui a fait près de 300.000 sans-abri, auxquels le gouvernement n'a encore fourni aucune aide.