Face à la chute des prix de l'or noir, qui constitue la principale source de revenus pour l'Algérie, le gouvernement a dû adopter des mesures d'austérité budgétaire et planche sur un "nouveau modèle économique" alternatif à la rente pétrolière.
L'une des pistes envisagées est le développement de l'industrie automobile locale et pour cela, le gouvernement a sommé en 2014 les concessionnaires, qui importaient jusqu'alors, de se lancer dans des activités industrielles ou semi-industrielles avant 2017.
En 2016, il a en outre accordé des licences d'importation de véhicules à seulement 40 concessionnaires sur 80 postulants. Et le nombre de véhicules à importer initialement fixé à 152.000 a été réduit à 83.000 unités pour 2016.
La facture d'importation dans le secteur automobile, qui était de 7,6 milliards de dollars en 2012, n'a ainsi pas dépassé le milliard de dollars en 2016 (environ 0,9 million d'euros), selon le ministère du Commerce.
Elle était devenue "insoutenable et dangereuse pour les équilibres extérieurs du pays", relève l'économiste Abdelatif Rebah.
Il rappelle qu'en "une quinzaine d'années, l'Algérie a importé plus de quatre millions de véhicules pour près de 25 milliards de dollars sans compter la facture d'importation des pièces de rechange".
Selon l'Office nationale des statistiques, le parc automobile a doublé en 20 ans (1995-2015), passant de 2,7 à 5,5 millions de véhicules, accompagnant un boom de la population.
Une usine d'assemblage et de montage de véhicules Renault est entrée en production à Oran (ouest) en 2014 -avec 42.000 véhicules produits en 2016-, et une autre de la marque Hyundai en 2016 à Tiaret (sud-ouest).
Une usine de Volkswagen à Relizane (nord-ouest) doit produire sa première voiture en juin 2017 alors que PSA (Peugeot, Citroën et DS) négocie pour installer une usine destinée aussi à alimenter le marché intérieur.
Le ministère algérien de l'Industrie a reçu une dizaine de dossiers pour des projets similaires, mais des experts soulignent la difficulté de cette entreprise.
"Ce choix industriel de montage au lieu de l'importation n'a de sens que s'il s'inscrit dans la stratégie de réindustrialisation de la branche en termes de pièces de rechange et de composants d'abord et de fabrication ensuite", estime Mustapha Mekideche, économiste et vice-président du Conseil national économique et social.
M. Rebah relève quant à lui que le choix de l'assemblage induit une lourde facture d'importation des intrants (pièces et kits) qui rendent le véhicule plus cher que le produit importé totalement monté.
Alors que le taux d'intégration (pièces fabriquées sur place) est actuellement quasi-négligeable, le gouvernement prévoit de le faire passer de 40 à 50% dans les cinq prochaines années.
Les retombées en termes d'emploi sont ainsi encore modestes, selon des experts.
"Conséquence de décennies de désindustrialisation (...) au profit de l'import-import, le niveau de développement technologique dans notre pays ne peut assurer actuellement une sous-traitance suffisante et de qualité", affirme M. Rebah.
Réda Amrani, expert en industrie, ne partage pas cet avis.
"Le montage lancé, l'intégration suivra d'elle-même car les lois du marché prévaudront par la suite", avance-t-il.
Le Maroc voisin s'est aussi lancé dans l'industrie automobile, avec notamment une méga-usine de Renault à Tanger (nord) d'une capacité de production de 200.000 véhicules par an et qui a généré la création de centaines de nouveaux métiers dans le secteur.
Selon M. Amrani, il existe en Algérie un marché de 600.000 voitures particulières et 100.000 véhicules industriels par an et celui-ci doit être satisfait "sans attendre".
Le ministère de l'Industrie table sur une production annuelle de quelque 500.000 unités, tous types confondus, dès 2019 et ambitionne même d'en exporter une partie.
"Il faut que dans les deux ans suivant le démarrage de ces usines, 20 à 30% de la production soit destinée à l'exportation" soutient M. Amrani.
Par ailleurs, M. Rebah estime qu'une véritable relance de l'industrialisation ne pourra ignorer l'impératif de la transition énergétique.
Pour lui, la loi non écrite du "tout-routier" et du "tout-véhicule particulier" qui prévaut en Algérie a atteint ses limites, alors que la part du secteur routier dans la consommation énergétique finale est particulièrement élevée (31%).