«Le bulldozer a tout démoli»: raids israéliens tous azimuts en Cisjordanie

Un jeune Palestinien porte une bouteille de gaz dans le village de Khalet al-Daba'a, près de Yatta, dans le sud de la Cisjordanie occupée, après que les machines de l'armée israélienne ont démoli les structures et les zones d'habitation sur le site, le 13 février 2025

Un jeune Palestinien porte une bouteille de gaz dans le village de Khalet al-Daba'a, près de Yatta, dans le sud de la Cisjordanie occupée, après que les machines de l'armée israélienne ont démoli les structures et les zones d'habitation sur le site, le 13 février 2025. AFP or licensors

Une opération israélienne d’envergure avait déjà poussé Qoussaï Farahat à fuir sa maison en Cisjordanie occupée, mais l’offensive s’est depuis étendue dans ce territoire palestinien, menaçant la maison d’un proche où il s’était réfugié.

Le 15/02/2025 à 08h02

Cette opération qui a pour objectif de démanteler les «infrastructures terroristes», selon l’armée israélienne, a ciblé des camps de réfugiés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie, notamment celui de Jénine, d’où vient M. Farahat.

Depuis le 21 janvier, l’armée israélienne mène une offensive d’envergure appelée «Mur de fer» dans plusieurs zones de Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

«Ici, on a l’impression d’être à nouveau dans un camp», raconte à l’AFP M. Farahat en examinant les décombres à l’extérieur de la maison d’un proche à Jénine, où il s’était rendu avec sa famille pour se mettre à l’abri.

«Quand le bulldozer est arrivé, il a tout démoli alors que nous étions à l’intérieur (de la maison), nous étions pris au piège et nous avons crié à l’aide mais personne n’est venu», ajoute l’homme de 22 ans.

Montagnes de gravats

Selon les Nations unies, l’offensive militaire israélienne a jusqu’ici coûté la vie à 39 Palestiniens et déplacé quelque 40.000 habitants. Elle se concentre toutefois sur le camp de réfugiés de Jénine, adjacent à la ville où M. Farahat s’était réfugié. Avant l’offensive, le camp abritait 24.000 personnes.

Dans le quartier est de Jénine, les habitants s’efforcent de poursuivre leur vie quotidienne au milieu des destructions. Un vieil homme gravit péniblement une colline sur un vieux vélo mal adapté à la boue laissée dans le sillage des bulldozers et une femme se fraye un chemin parmi les montagnes de gravats en transportant des provisions.

Un commerçant tente de réparer un auvent métallique tordu sur sa devanture. Il explique à l’AFP l’avoir réparé six mois plus tôt, à la suite d’une autre opération. Après le passage des bulldozers, une frappe aérienne a touché une voiture dans le quartier jeudi, causant encore plus de dégâts. Des parents ont conseillé à leurs enfants de ne pas s’approcher des restes fumants, craignant des munitions non explosées.

L’armée israélienne a déclaré dans un communiqué avoir «localisé un véhicule piégé» et l’avoir «démantelé», partageant une vidéo de la frappe du drone.

Le ministère palestinien de la Santé, basé à Ramallah, a déclaré que 26 personnes avaient été tuées à Jénine depuis le début de l’offensive. Le Club des prisonniers palestiniens, une ONG, a déclaré jeudi qu’au moins 380 Palestiniens ont été arrêtés depuis.

L’armée israélienne a déclaré avoir «appréhendé» 90 Palestiniens au cours de la seule semaine dernière. L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) a déclaré à l’AFP que 3.500 familles de réfugiés avaient été déplacées du camp de Jénine, soit l’équivalent de près de 18.000 personnes, dont peu ont pu rentrer chez elles.

En Cisjordanie, des Palestiniens contraints à fuir leur maison : « Pour moi, c’est une seconde Nakba »

[image or embed]

— Le Monde (@lemonde.fr) 12 février 2025 à 15:23

Dans une tour surplombant le camp, des habitants ont déclaré que des soldats israéliens avaient fait une descente dans des bureaux d’avocats. Dans chaque bureau, des coffres-forts ont été ouverts et éparpillés au sol et des fenêtres brisées.

«Je n’ai plus rien»

Dans un bureau, un petit drapeau palestinien a été brûlé, tandis qu’un plus grand a été déchiré en deux. Dans une autre pièce, des portraits de Mahmoud Darwish, poète palestinien emblématique, ont été dégradés.

En racontant les premiers jours de l’offensive sur Jénine, M. Farahat dit avoir eu la chance d’en être sorti vivant.

«Nous étions encerclés et, soudain, les forces spéciales israéliennes sont apparues et ont commencé à tirer intensément. Par miracle, nous nous sommes échappés». À l’intérieur du camp de Jénine, les jeeps de l’armée patrouillent désormais sur une large route de terre où se trouvaient 20 maisons démolies au cours de l’opération.

Sabha Bani Gharra, une habitante du camp âgée de 95 ans, était soignée pour une fracture à l’hôpital public de Jénine quand l’offensive a commencé, et elle n’a pas pu rentrer chez elle.

La nonagénaire qui vit maintenant dans l’atelier de couture d’une organisation caritative à l’extérieur du camp, a appris que sa maison avait été détruite, grâce à une vidéo tournée par un voisin.

«La maison a disparu. Tout ce que j’ai, ce sont les vêtements que je porte», dit-elle en s’accrochant à une vieille boîte de conserve remplie de médicaments, l’un des seuls objets qu’elle possède encore: «Je n’ai plus rien, sauf la gentillesse d’étrangers qui m’aident à survivre au jour le jour».

Par Le360 (avec AFP)
Le 15/02/2025 à 08h02