Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira en urgence mardi après-midi à la demande de Washington et Tokyo, le Premier ministre japonais Shinzo Abe dénonçant une "menace grave et sans précédent".
La dernière fois qu'un engin nord-coréen avait survolé le Japon remonte à 2009. C'était un tir de satellite, assurait Pyongyang. Mais d'après Washington, Séoul et Tokyo, il s'agissait en fait d'un test clandestin de missile intercontinental balistique (ICBM).
C'est au grand jour que Pyongyang a mené le mois dernier deux tests d'ICBM qui semblent avoir mis une bonne partie du continent américain à sa portée.
Le président américain Donald Trump a alors promis de déchaîner "le feu et la colère" sur le Nord. Ce à quoi Pyongyang répliquait en promettant de tirer une salve de missiles à proximité de Guam, territoire américain dans le Pacifique.
Le dernier missile a été tiré de Sunan, près de Pyongyang, à 05H57 (20H57 GMT lundi), et a survolé le Japon, a expliqué l'état-major sud-coréen.
L'engin a parcouru 2.700 kilomètres à une altitude maximum d'environ 550 km. Il a été tiré vers l'est, et non en direction de Guam, avant-poste stratégique de l'armée américaine sur la route de l'Asie où vivent environ 160.000 personnes. Guam est à environ 3.500 km de la Corée du Nord.
M. Abe a dénoncé un "tir inacceptable" qui "nuit considérablement à la paix et la sécurité de la région", précisant que Tokyo avait protesté auprès de Pyongyang. Le Premier ministre a ajouté s'être entretenu avec M. Trump pendant 40 minutes au téléphone. Les deux alliés sont convenus, a-t-il dit, "d'augmenter la pression sur la Corée du Nord".
Le Nord s'est vu infliger début août une septième volée de sanctions, visant à la priver d'un tiers de ses recettes d'exportations. Un porte-parole du ministère américain de la Défense a confirmé que le missile avait survolé le Japon, ajoutant qu'il n'avait "pas représenté une menace pour l'Amérique du Nord".
Tout missile lancé vers Guam survolerait le Japon et les analystes expliquent que ce dernier tir constitue un énorme défi à la fois pour Tokyo et Washington. Lorsque le Nord avait tiré ses deux ICBM en juillet -- un "cadeau" aux "salauds d'Américains" selon le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un --, ceux-ci avaient adopté une trajectoire en cloche, leur permettant d'éviter le Japon.
Avant 2009, la dernière fois qu'un engin nord-coréen avait survolé l'espace aérien du Japon remontait à 1998. Pyongyang avait aussi affirmé qu'il s'agissait d'un lancement spatial, Washington parlant d'un missile Taepodong-1.
Pyongyang avait semblé mettre sur pause son projet de tirer quatre missiles sur Guam, ce qui avait fait dire à M. Trump que le Nord commençait à "respecter" les Etats-Unis.
"On aurait dit que la Corée du Nord avait reculé dans un jeu de qui est le plus fort", dit Cha Du-Hyeogn de l'Institut Asan des études politiques de Séoul. "Mais Pyongyang montre que ce n'est pas cela qui se passe. Il montre qu'il ne s'est pas dégonflé et que c'est Washington qui bluffe sans projet concret".
Le Japon a affirmé par le passé qu'il détruirait en vol tout engin nord-coréen qui menacerait de frapper son territoire. Mais il n'a rien fait de tel mardi. Selon les explications du ministre de la Défense Itsunori Onodera, Tokyo a estimé que le missile, qui a survolé l'île septentrionale de Hokkaido pendant deux minutes, ne risquait pas de chuter sur son territoire.
Préventivement, des millions d'habitants du nord de l'archipel avaient cependant reçu par texto un message d'alerte du gouvernement leur demandant de se mettre à l'abri. L'année dernière, quand Pyongyang avait tiré un missile dans la zone économique exclusive du Japon, il s'était attiré uniquement des déclarations de protestation. D'autres tirs avaient suivi.
"Aujourd'hui est un jour horrible pour le Japon", a estimé sur Twitter le commentateur spécialiste de sécurité Anki Panda. "Si la Corée du Nord ne juge pas intolérable le coût d'un survol du Japon, nous allons assister à de nouveaux tirs".
Pyongyang justifie ses ambitions militaires par la nécessité de se protéger des Etats-Unis. Ce tir, qui s'ajoute à ceux de trois engins de courte portée samedi, survient au moment des manoeuvres militaires conjointes annuelles menées par Séoul et Washington dans la péninsule. Ces maoeuvres ne manquent jamais de susciter l'ire de Pyongyang qui les voient comme la répétition d'une invasion.