Le sort de Mohammed Allan tenait en haleine depuis plusieurs jours l'opinion publique palestinienne et mettait en difficulté le gouvernement israélien, conscient du risque d'un nouvel accès de violences en cas de décès du Palestinien mais ne voulant pas paraître céder à un quelconque chantage.
"Pour le moment, en raison de l'état de santé du gréviste de la faim, l'ordre de détention administrative n'est plus en vigueur", a indiqué la Cour suprême dans son jugement, tout en soulignant qu'il devait "demeurer en soins intensifs" à l'hôpital d'Ashkélon (ouest d'Israël). Elle a précisé que le Palestinien de 31 ans devait être soigné désormais comme n'importe quel autre patient. "Sa famille et ses amis pourront lui rendre visite" normalement, a expliqué la Cour.
“Le cerveau atteint”
La ministre de la Culture, Miri Regev, a dénoncé sur Twitter la décision de la Cour, qui selon elle a "répondu au chantage du terroriste Mohammed Allan au lieu d'appliquer la loi prévoyant de nourrir de force" les prisonniers dont la vie est en danger en raison d'une grève de la faim. Cette loi qui a suscité de vives critiques côté palestinien a été adoptée en juillet.
Tombé dans le coma en fin de semaine passée, Mohammed Allan a repris conscience mardi et fixé immédiatement un ultimatum à Israël en lui donnant 24 heures pour régler son cas, faute de quoi il cesserait de s'hydrater.
Ce Palestinien, arrêté en novembre 2014, a débuté le 18 juin sa grève de la faim pour protester contre sa détention administrative. Ce régime d'emprisonnement extrajudiciaire permet aux autorités israéliennes de détenir un suspect sans lui notifier d'inculpation pendant six mois renouvelables indéfiniment.
L'un des avocats de M. Allan, Me Jamil al-Khatib, a souligné que "d'après le dernier rapport médical, le cerveau (de son client) était atteint", en raison de ses deux mois de grève de la faim, sans rien absorber que de l'eau. Chezy Levy, le directeur de l'hôpital, a confirmé des atteintes cérébrales. "Mohammed a commencé graduellement à perdre le contact avec son environnement, ses propos n'étaient plus cohérents", a-t-il dit à la presse, "ce qui peut indiquer un problème au cerveau".
Ces dommages sont peut-être réversibles et sont traités par les médecins, a-t-il dit. "Les dommages en eux-mêmes ne mettent pas sa vie en danger, mais ils s'inscrivent dans un contexte général qui, lui, met sa vie en danger".
Pour ses partisans, son état de santé constituait une raison suffisante pour le libérer immédiatement puisqu'il ne peut pas représenter un danger pour Israël.
Plusieurs médias israéliens avaient indiqué qu'Israël serait prêt à le libérer si le cerveau avait subi des dommages irréversibles.
“Risque de 'chantage”
Le sort de M. Allan, qui a mobilisé l'opinion palestinienne, est apparu comme un véritable casse-tête pour le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu, conscient que sa mort serait susceptible de provoquer une nouvelle flambée de violences.
Avocat à Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée, M. Allan est présenté comme un de ses membres par le Jihad islamique, désigné comme une organisation "terroriste" par Israël. Ce mouvement a prévenu qu'il ne serait plus tenu par la trêve actuelle s'il mourait.
Avant la décision de la Cour, le ministre israélien de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, a estimé dans un communiqué qu'une libération de M. Allan "récompenserait sa grève de la faim et risquerait d'encourager des grèves de la faim massives parmi les détenus de sécurité, qui auraient ainsi trouvé un nouveau moyen de faire chanter l'Etat d'Israël".
Selon les services pénitentiaires israéliens, 340 Palestiniens sont actuellement en détention administrative. Nombre de Palestiniens ont observé des grèves de la faim pour dénoncer cette mesure.
Les partisans de cette mesure la défendent en invoquant la nécessité de mettre à l'écart des individus présumés dangereux et l'impossibilité, pour des raisons supérieures de sécurité, de rendre publiques certaines preuves retenues contre eux.
Les détracteurs dénoncent la détention administrative comme attentatoire aux droits fondamentaux.