Guinée: l’Investiture du président Alpha Condé en deux temps divise les juristes et constitutionnalistes

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Revue de presseLa cérémonie d’investiture du président réélu Alpha Condé en deux temps ne fait pas l’unanimité entre juristes et interprètes de la Constitution guinéenne. Chaque camp avance ses arguments.

Le 08/12/2015 à 18h37

La Cour constitutionnelle va organiser deux évènements distincts marquant l’investiture du Chef de l’Etat guinéen réélu au premier tour de l’élection présidentielle du 11 octobre. La prestation de serment fixée au lundi 14 décembre. Puis suivie de l’installation du président dans ses fonctions une semaine plus tard, le lundi 21 décembre.

Le Secrétaire général de la Cour constitutionnelle, Cheick Fantamady Condé, rassure que cette nouvelle disposition est en parfaite harmonie avec la Constitution guinéenne. «La Constitution dispose que le président de la République est installé dans ses fonctions après avoir prêté serment. Elle ne précise pas spécifiquement si cette installation doit suivre immédiatement après la prestation de serment», a-t-il expliqué sur les antennes de la télévision d’Etat. «Rien ne s’y oppose. Ni la Constitution, ni les lois organiques ne s’opposent à ce schéma qui va être appliqué cette année».

Au sein de l’opinion certains observateurs avouent ne pas comprendre cette démarche. D’autant que la Guinée a connu jusque-là quatre prestations de serment suivies de l’installation, le même jour, du président. Ce fut le cas en 1994, 1998, 2004 pour le président défunt Lansana Conté. Et en 2010 pour Alpha Condé alors opposant historique qui venait de briguer la magistrature suprême après la transition militaire.

Pour ceux-ci, la Cour constitutionnelle nouvellement créée, organisatrice pour la première fois d’une investiture présidentielle en Guinée, en lieu et place de la Cour suprême, entame sa mission par une violation de la Constitution. «Ce n’est pas normal de mettre une semaine entre la prestation de serment et l’entrée en fonction du président », commente à Le360, Mohamed Camara, juriste et professeur de droit dans des universités de Conakry.

D’après cet analyste connu du monde des médias, la prestation de serment du chef de l’Etat doit être suivie « immédiatement » de son installation. Il estime que les deux doivent se tenir le 21 décembre suivant les dispositions de la Constitution.

Selon Mohamed Camara, le président Alpha Condé doit être immédiatement renvoyé dans l’exercice de ses fonctions une fois le serment prêté. «Il faut arrêter de faire du bricolage. L’anticipation de la prestation de serment ne peut se faire qu’en cas de décès, de démission ou d’empêchement définitif», souligne-t-il.

Mamady III Kaba, un autre juriste et professeur d’université balaie ces arguments d’un revers de main. Pour lui, «la prestation de serment doit obligatoirement précéder l’installation du président. C’est l’inverse qui serait une violation de la loi».

D’après Kaba, par ailleurs président de l’ONG Observatoire Citoyen de Défense des Droits de la République, la Constitution précise la date de l’installation du chef de l’Etat, mais reste cependant muette sur celle de la prestation de serment. «La Constitution stipule que le président doit être installé dans ses fonctions le 21 décembre. Il peut prêter serment une semaine ou deux au maximum avant cette date partout sur le territoire guinéen», conclut-il.

Par Ougna Elie Camara
Le 08/12/2015 à 18h37