La France se prépare samedi à une quatrième journée de manifestations des "gilets jaunes", redoutant de nouvelles violences, notamment à Paris en partie barricadée, où des forces de l'ordre sont mobilisées en nombre depuis l'aube. Le gouvernement a multiplié les appels au calme, et plusieurs figures de cette contestation très diverse ont appelé à défiler pacifiquement.
Et surtout les contrôles ont été renforcés: 278 personnes ont été interpellées juste avant le début de la mobilisation, a indiqué la préfecture de police. Et une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue, interpellées à Paris dans les gares et sur la voie publique, a appris l'AFP samedi de source proche du dossier. Partout dans l'Hexagone, des mesures de sécurité exceptionnelles ont été décrétées, notamment à Paris où les scènes de guérilla urbaine du week-end dernier ont stupéfié le pays et l'étranger. 89.000 membres des forces de l'ordre seront mobilisés, dont 8.000 à Paris.
Au petit matin, l'ouest parisien s'est couvert de bleu: de nombreuses voitures de police et gendarmerie bloquent les accès des grandes artères et des grandes places, notamment celle de la Concorde et de l'Etoile. En bruit de fond: seulement des sirènes. 06H30, sur les quais de Seine, Hervé Benoît et ses trois compagnons, tout juste arrivés de Dordogne, remontent tranquillement vers la place mais sans savoir où ils vont aller exactement. "Il faut être à Paris pour se faire entendre", jugent-ils, réclamant pèle-mêle, l'"augmentation du pouvoir d'achat, le retour à l'ISF, la baisse des charges".
A peine arrivés place de la Madeleine, John et Dorian, 31 et 29 ans, qui ont enfilé leur gilet jaune, sont contrôlés par les gendarmes. "C'est la 2e fois qu'on est contrôlés ! A Saint Lazare, ils nous ont déjà tout pris. Lunettes de piscine, écharpes, protèges-tibia...", raconte Dorian, animateur à Poissy (Yvelines). "On est là pour se faire comprendre, gentiment, on espère que ça ne va pas dégénérer".
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Place de l'Etoile, dont les abords sont quadrillés par des patrouilles de CRS, quelques dizaines de gilets jaunes sont déjà réunis sur le haut de l'avenue, dans le calme. Certains sont équipés de masques et protections. La quasi totalité des magasins sont barricadés derrière des plaques de bois essentiellement.
Michel, 51 ans, venu de l'Yonne, vient pour la première fois manifester à Paris. "On n'est pas venus pour casser mais pour se faire entendre par ce gouvernement qui ne veut pas nous écouter". Signe des tensions, les grands magasins parisiens seront fermés, du jamais vu pour un samedi précédant les fêtes.
A Paris, la tour Eiffel, le Louvre seront fermés, tout comme de nombreux commerces et restaurants et 36 stations de métro. Les hôpitaux ont prévu des "renforts", et l'Etat a déployé des "VBRG", ces véhicules blindés à roue de la gendarmerie.
En région, une interdiction de manifester a été décrétée dans plusieurs points sensibles du Pas-de-Calais tandis qu'à Montauban, 28 cocktails Molotov et trois bombes artisanales ont été saisis sur un rond-point occupé par des "gilets jaunes".
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Plusieurs pays européens ont conseillé la prudence à leurs ressortissants, voire à éviter Paris ce week-end comme la Belgique. La situation reste tendue trois semaines après le lancement de ce mouvement pour le pouvoir d'achat né de la contestation de l'augmentation de la taxe sur les carburants. Soucieux d'éviter "des morts et des blessés", des représentants des "gilets jaunes libres", un collectif qui réclame au gouvernement plus de mesures pour aider ceux qui "arrivent de moins en moins à boucler leurs fins de mois", ont appelé à manifester pacifiquement, et pas à Paris pour éviter de se faire assimiler à des "casseurs".
Plus radical, l'un des initiateurs de la contestation, Eric Drouet, qui avait appelé à "rentrer" dans l'Elysée samedi et est à ce titre visé par une enquête, a semblé vendredi jouer l'apaisement en invitant les "gilets jaunes" à finalement "aller sur le périphérique" parisien samedi matin. Les "gilets jaunes libres", qui se veulent "modérés", ont été reçus pendant une heure et demie vendredi soir à Matignon par Edouard Philippe.
"Le Premier ministre nous a écoutés et promis de porter nos revendications au président de la République. Maintenant nous attendons M. Macron. J'espère qu'il (...) prendra des décisions fortes", a déclaré à la sortie l'un d'eux, Christophe Chalençon. Silencieux toute la semaine, Emmanuel Macron ne s'exprimera qu'en "début de semaine prochaine" sur la crise, selon le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand. L'exécutif craint une alliance entre ultradroite, ultragauche, "gilets jaunes" les plus remontés et jeunes de banlieue, dont certains se sont livrés à des pillages samedi dernier à Paris.
Les concessions du gouvernement, notamment l'annulation de l'augmentation de la taxe sur les carburants, semblent n'avoir eu aucun effet, si ce n'est d'avoir fragilisé le Premier ministre Édouard Philippe qui défendait une simple suspension avant d'être brutalement désavoué par l'Élysée. Plusieurs responsables de la majorité font état de "remontées inquiétantes". Des proches collaborateurs de Macron ont reçu des menaces de mort.
Le gouvernement craint aussi une extension de la contestation à d'autres secteurs, notamment chez les agriculteurs et dans l'éducation.