Après une première phase de son offensive terrestre concentrée dans le nord de Gaza, l’armée israélienne a étendu cette semaine ses opérations jusque dans le sud, où sont réfugiés près de deux millions de civils désormais pris au piège, acculés dans un territoire de plus en plus exigu.
Sur place, les soldats israéliens, appuyés par des frappes aériennes, ont affronté jeudi les combattants du Hamas à Khan Younès, la plus grande ville du sud devenue l’épicentre de la guerre, ainsi que dans le nord, dans la ville de Gaza et le secteur voisin de Jabaliya.
Le bilan humain à Gaza s’est encore alourdi jeudi pour atteindre 17.177 morts, en grande majorité des civils et à 70% des femmes et des enfants, tués par les bombardements israéliens, selon le ministère de la Santé du Hamas. Et tôt ce vendredi, le ministère a fait état de 40 morts dans des frappes près de Gaza-ville, et de dizaines d’autres dans à Jabaliya (nord) et Khan Younès (sud).
Jeudi soir, les chaînes de télévision israéliennes ont diffusé des vidéos montrant des dizaines de Palestiniens en sous-vêtements, les yeux bandés, assis par terre ou dans le sable sous la garde de soldats israéliens dans la bande de Gaza, provoquant une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. L’armée israélienne a dit «enquêter» pour «vérifier qui est lié au Hamas et qui ne l’est pas».
Violences en Cisjordanie
Dans un entretien téléphonique avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président américain Joe Biden «a insisté sur la nécessité absolue de protéger les civils et de séparer la population civile du Hamas». Les États-Unis soutiennent fermement Israël depuis l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas, au cours de laquelle 1.200 personnes ont été tuées selon les autorités israéliennes, mais Washington s’inquiète de plus en plus de la hausse du nombre de morts de civils à Gaza.
En Cisjordanie occupée, où le Hamas n’est pas représenté, l’armée israélienne a mené des opérations nocturnes soutenues par des frappes aériennes, notamment dans le centre de Ramallah, ville où siège l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Depuis le début de la guerre à Gaza, plus de 270 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, et plusieurs dizaines ont été arrêtés par l’armée israélienne.
Des milliers de personnes tentent de fuir Khan Younès en proie aux combats pour se diriger vers Rafah, à la frontière égyptienne, seul endroit où de l’aide humanitaire est encore distribuée, en quantité limitée. «Depuis deux mois, on bouge d’un endroit à un autre (...) Nous sommes très fatigués, nous dormons dans la rue», témoigne Abdullah Abou Daqqa, qui est parvenu à rejoindre la ville frontalière, évoquant «les deux mois les plus durs» de son existence.
Arrivé lui aussi à Rafah, Ahmad Hajjaj, venu du camp de Chati, dans le nord, décrit une situation catastrophique: «Nous n’avons pas de produits de première nécessité, la situation empire de jour en jour, et il n’y a pas de solution politique à l’horizon».
Système de santé «à genoux»
Le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a évoqué un système de santé «à genoux» dans la bande de Gaza, où la plupart des hôpitaux du nord ont été détruits, tandis que ceux du sud, submergés par l’afflux de milliers de blessés, sont au bord de l’effondrement.
Israël a imposé depuis le 9 octobre un siège total à la bande de Gaza, qui provoque de graves pénuries d’eau, de nourriture, de médicaments, d’électricité, tandis que l’aide humanitaire, dont l’entrée est soumise au feu vert israélien, n’arrive qu’au compte-gouttes depuis l’Égypte.
Le carburant, nécessaire au fonctionnement des générateurs dans les hôpitaux et aux équipements de dessalinisation de l’eau, manque aussi. Le gouvernement israélien a cependant autorisé cette semaine la livraison d’un «supplément minimal» de carburant, deux jours après un appel en ce sens des États-Unis.
Réunion du Conseil de sécurité
Selon l’ONU, 1,9 million de personnes, soit environ de 85% la population, ont été déplacées par la guerre dans la bande de Gaza où plus de la moitié des habitations sont détruites ou endommagées. Face à une «situation catastrophique dans la bande de Gaza», le Conseil de sécurité de l’ONU doit se prononcer vendredi sur un appel à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat» selon la dernière version du texte vue par l’AFP.
Dans une lettre adressée mercredi aux membres du Conseil, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a invoqué explicitement l’article 99 de la Charte de l’ONU, qui lui permet d’«attirer l’attention du Conseil» sur un dossier qui «pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale». Une première depuis des décennies.
«Avec les bombardements constants des forces armées israéliennes, et en l’absence d’abris ou du minimum pour survivre, je m’attends à un effondrement total de l’ordre public bientôt en raison des conditions désespérées, ce qui rendrait impossible une aide humanitaire même limitée» à Gaza, écrivait-il dans cette lettre, réclamant à nouveau un «cessez-le-feu humanitaire» pour éviter des conséquences «irréversibles» pour les Palestiniens et la région.
Depuis le début de la guerre, le Conseil de sécurité a réussi à adopter une résolution qui appelait à des «pauses et couloirs humanitaires» à Gaza, mais pas à un «cessez-le-feu», auquel les États-Unis s’opposent toujours.