Engagée depuis le 27 octobre dans une offensive terrestre dans le nord de Gaza, en parallèle à ses frappes aériennes massives, Israël a étendu ses opérations au sol à l’ensemble du petit territoire palestinien surpeuplé. La population civile est poussée à se déplacer vers un périmètre de plus en plus exigu à Rafah, le long de la frontière égyptienne.
À Khan Younès, la plus grande ville du sud de la bande de Gaza, fantassins, blindés et bulldozers israéliens ont atteint le centre-ville, selon des témoins. À la tombée de la nuit mercredi, d’épais nuages de fumée noire et des flammes ont continué de s’élever de Gaza, suite aux bombardements israéliens interrompus. Dans la journée, des trainées dessinées par des roquettes tirées vers Israël depuis Rafah, dans le sud du petit territoire palestinien, ont aussi émaillé le ciel.
Sur sa chaîne Telegram, le mouvement palestinien a affirmé que sa branche armée, les brigades Ezzedine al-Qassam «se bat violemment contre les forces d’occupation sur toutes les lignes d’incursion dans la bande de Gaza».
«Toute la ville subit des destructions et des bombardements incessants. Beaucoup de gens arrivent du nord dans des conditions désastreuses, sans abri, à la recherche de leurs enfants», a raconté à l’AFP Hassan Al-Qadi, un habitant de Khan Younès déplacé plus au sud à Rafah, ville frontalière avec l’Égypte.
L’article 99 de la Charte de l’ONU
Face au nombres de victimes civiles qui ne cesse de grimper, au manque de vivres et aux dizaines de milliers de déplacés se retrouvant totalement démunis, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a mis en garde contre un «effondrement total de l’ordre public bientôt» à Gaza.
M. Guterres a employé pour la première fois de son mandat une procédure rare, l’article 99 de la Charte des Nations unies, qui lui permet d’«attirer l’attention» du Conseil de sécurité sur un dossier qui «pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale». Selon plusieurs diplomates, le Conseil de sécurité devrait se réunir vendredi pour examiner cet appel.
Le 7 octobre, une attaque du Hamas en Israël a fait 1.200 morts, en majorité des civils, d’après les autorités israéliennes. D’après ces dernières, 138 otages sont toujours retenus à Gaza, après la libération fin novembre, dans le cadre d’une trêve de sept jours, de 105 personnes enlevées, dont 80 en échange de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël, exclusivement des femmes et des adolescents de moins de 19 ans.
Selon le ministère de la Santé du Hamas, 16.248 personnes, en grande majorité des civils, à plus 70% des femmes, enfants et adolescents, ont été tuées depuis le 27 octobre par les bombardements israéliens dans la bande de Gaza, en «représailles» à l’attaque du Hamas. En Cisjordanie occupée, où l’armée israélienne multiples les incursions, près de 250 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons israéliens depuis le 7 octobre.
Selon l’ONU, 1,9 million de personnes, soit environ de 85% la population, ont été déplacées dans la bande de Gaza où plus de la moitié des habitations sont détruites ou endommagées par les bombardements israéliens. L’ONU a calculé que 30% du territoire tombe désormais sous le coup des ordres d’évacuation quotidiens israéliens, et juge «impossible» de mettre en place des zones sécurisées pour accueillir les civils fuyant les combats.
La ville de Rafah, à la frontière avec l’Égypte -qui n’est pas épargnée par les bombardement israéliens- est le seul endroit où de l’aide humanitaire est encore distribuée, en quantité limitée, selon l’ONU. Mercredi, 80 camions transportant des vivres et du carburant y ont accédé, contre 170 par jour en moyenne pendant la trêve en vigueur du 24 au 30 novembre et 500 avant le 7 octobre, a indiqué le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (Ocha) dans son point quotidien.
Des Palestiniens ayant fui Khan Younès, à moins de 10 kilomètres, y ont monté un camp de fortune -tentes avec des toiles, des bâches en plastique, des lattes de bois. Pour leur survie: des branches ramassées ici et là pour faire du feu, de la semoule dans des gamelles pour unique nourriture. Des déplacés errent avec leur jerrican à la recherche d’eau.
«Nous sommes arrivés ici, sans abri, il a plu sur nous cette nuit, il n’y a pas à manger, pas de pain, pas de farine», raconte à l’AFP Ghassan Bakr. «Nous sommes dévastés, mentalement dépassés», se désole Amal Mahdi, qui a survécu à un raid israélien. «Nous avons besoin que quelqu’un nous soutienne, trouve une solution pour nous sortir de cette situation».