Les manifestants défilent désormais par millions à travers l'Algérie. Depuis le 22 février, ils ont obtenu d'Abdelaziz Bouteflika, qui gouvernait le pays sans partage depuis vingt ans, qu'il renonce à briguer un nouveau mandat, puis qu'il annule la présidentielle, prévue le 18 avril, et enfin qu'il quitte le pouvoir.
Outre le symbole, si tout s'était déroulé comme prévu, vendredi aurait dû être le lendemain du jour de la réélection de Bouteflika, les manifestants devraient cette semaine se sentir encore ragaillardis par la chute d'un nouveau cacique du régime. Tayeb Belaiz, président du Conseil constitutionnel, un proche de l'ex-président, a démissionné.
Avec Abdelkader Bensalah, chef de l'Etat par intérim, et le Premier ministre Noureddine Bedoui, Tayeb Belaiz était l'un des "3B", membres du premier cercle autour d'Abdelaziz Bouteflika.
En 2013, alors que Bouteflika était hospitalisé durant 80 jours à Paris en raison d'un AVC, puis à nouveau en mars dernier, il était resté sourd aux demandes d'enclencher la procédure déclarant le président "empêché" de gouverner. En tant que président du Conseil constitutionnel, il était le seul à pouvoir le faire.
La démission de Belaiz devrait être loin de suffire à apaiser les manifestants qui ont peu ou prou obtenu une concession, un recul ou une tête après chaque vendredi d'imposante mobilisation.
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Sans compter le fait que son remplaçant, Kamel Feniche, haut magistrat membre depuis 2016 du Conseil constitutionnel et inconnu du grand public a, pour les contestataires, toutes les caractéristiques du fidèle serviteur du "système" dont ils entendent se débarrasser.
Et que d'anciens militants berbéristes l'accusent depuis sa nomination d'avoir, alors qu'il était procureur, requis et obtenu des années de prison contre des lycéens et étudiants ayant pris part en mai 1981 à Béjaia (Kabylie) à des manifestations.
Au-delà de la personne de Belaiz, la contestation refuse toujours que les institutions et personnalités de l'appareil mis en place par Bouteflika gèrent la transition née de sa démission. Et notamment qu'une présidentielle soit organisée sous 90 jours comme le dispose le processus prévu par la Constitution.
Un processus soutenu par l'armée, replacée au centre du jeu politique par la démission de Bouteflika, face à une classe politique -camp présidentiel mais aussi opposition- inaudible face à la contestation.
Le départ de Belaiz ressemble plus à une énième concession à la rue qu'à un début de sortie de crise.
L'armée "est convaincue que la gestion de la crise passe par une série de mesures d'apaisement", estime Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) de Genève. Elle procède de façon "graduelle pour minimiser l'étendue des concessions et s'assurer de leur pertinence" auprès de la contestation.
Jusqu'à quand l'armée pourra-t-elle maintenir sa défense du "processus constitutionnel", s'interrogent les observateurs? "On entre désormais dans le dur" tant les positions semblent irréconciliables, a expliqué à l'AFP l'un d'eux, sous le couvert de l'anonymat.
"Toutes les options restent ouvertes pour (...) trouver une solution à la crise dans les meilleurs délais", a néanmoins souligné cette semaine le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée et de facto homme fort de l'Algérie, laissant penser que l'institution militaire pourrait assouplir sa position.
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Il a aussi affirmé que l'armée ne tournerait pas ses armes contre le peuple et veillerait "à ce qu'aucune goutte de sang algérien ne soit versée".
Bensalah a lui entamé jeudi une série de rencontres "dans le cadre de la volonté de concertation", selon la présidence.
Les premières rencontres avec des "personnalités nationales" semblent loin de la volonté de changement affichée par la contestation: Abdelaziz Ziari, successivement ministre, conseiller présidentiel, président de l'Assemblée nationale sous le règne de Bouteflika, Abdelaziz Belaid, patron d'un micro-parti proche du pouvoir, et Me Miloud Brahimi, ténor des prétoires depuis des décennies.
Le Mouvement de la société pour la paix, parti islamiste ayant rompu avec la coalition pro-Bouteflika, a indiqué avoir décliné une invitation à une "rencontre collective de concertation".