Un accord de principe a été signé samedi, à New Delhi, entre les Etats-Unis, l’Inde, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l’Union européenne, la France, l’Allemagne et l’Italie, selon un communiqué diffusé par la Maison Blanche.
«C’est vraiment important»: commentant cette signature, le président américain a parlé d’un accord «historique» lors d’une table ronde rassemblant les dirigeants concernés.
C’est «beaucoup plus que “seulement” du rail ou un câble», a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, évoquant «un pont vert et numérique entre les continents et les civilisations».
A la fin de la réunion, Joe Biden s’est approché du Premier ministre indien Narendra Modi, hôte du sommet du G20, et du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, pour une poignée de main collective.
Biden et «MBS»
Il y a un peu plus d’un an, le démocrate de 80 ans avait suscité une intense polémique lors d’un déplacement en Arabie saoudite, lorsqu’il avait salué d’un «check» Mohammed ben Salmane, que les Etats-Unis tiennent pour le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
Mais l’eau a coulé sous les ponts, et Washington redouble désormais d’efforts pour resserrer les liens avec la monarchie pétrolière, au nom de ses intérêts stratégiques.
«Nous voulons lancer une nouvelle ère connectée via un réseau ferroviaire, reliant des ports en Europe, au Moyen-Orient et en Asie», selon un document diffusé par l’administration Biden à propos de la grande annonce de «couloir» entre l’Inde et l’Europe. L’objectif est de créer des «nœuds commerciaux», tout en «encourageant le développement et l’exportation d’énergies propres».
Il s’agira aussi de poser des câbles sous-marins.
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De source proche du dossier, le projet prévoit aussi un couloir d’hydrogène qui relierait notamment Dubaï, aux Emirats arabes unis, et Jeddah, en Arabie saoudite, avec le port israélien de Haïfa et ensuite à des ports européens. La France espère que Marseille puisse être la «tête de pont» européenne du chantier, le président Emmanuel Macron vantant «l’expertise» des entreprises françaises en matière de transports et d’énergie.
Le projet doit également «faire progresser l’intégration au Moyen-Orient», y compris entre des «partenaires improbables», a commenté le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, qui a mentionné Israël et la Jordanie parmi les pays concernés.
Joe Biden, soucieux de laisser sa marque diplomatique dans la région, s’efforce de convaincre l’Arabie saoudite et Israël de normaliser leurs relations.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que les États-Unis avaient approché Israël il y a plusieurs mois pour ce projet qui, selon lui, «remodèlera le visage du Proche-Orient».
«L’Etat d’Israël sera une plaque tournante de cette initiative économique», a-t-il réagi samedi soir dans un communiqué. «Israël apportera toutes ses capacités, toute son expérience et son plein engagement pour faire de ce projet de collaboration le plus grand de notre histoire», a-t-il ajouté.
L’accord sur le grand projet d’infrastructures, dont le calendrier reste flou, «n’est pas spécifiquement un signe avant-coureur de normalisation», a toutefois précisé Jake Sullivan.
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Avec cette annonce, le président américain essaie d’occuper l’espace laissé vacant par le président chinois Xi Jinping, qui comme son homologue russe Vladimir Poutine n’était pas à New Delhi pour le G20.
Afrique
Les Etats-Unis et l’Europe ont par ailleurs annoncé qu’ils s’associaient pour soutenir un autre projet d’infrastructures, en Afrique: le «couloir Lobito», reliant la République démocratique du Congo et la Zambie via le port de Lobito en Angola.
Si le projet visant à relier l’Inde à l’Europe en passant par divers pays du Moyen-Orient était réellement «concrétisé, ça changerait les règles du jeu», a jugé dans un message sur X (ex-Twitter) Michael Kugelman, expert au Wilson Center de Washington, et cela «viserait à contrer la BRI».
La «Belt and Road Initiative» est l’acronyme en anglais du programme dit «des nouvelles routes de la soie» par lequel Pékin réalise des investissements massifs dans nombre de pays en développement pour construire des infrastructures.
Ses opposants dénoncent un cheval de Troie chinois, destiné à obtenir une influence politique, et critiquent l’endettement qu’il fait peser sur des pays pauvres. Joe Biden l’avait qualifié en juin de «programme d’endettement et de confiscation».
«Dans cette idée (de nouveau couloir logistique), il y a une concurrence avec les “routes de la soie”», a confirmé une source diplomatique française, pour qui l’annonce de Delhi est «juste le début d’une longue histoire».
Pour Paris, il faudrait notamment, à terme, «voir comment l’Egypte entre au tour de table».