"Ce soir, la gauche relève la tête. Elle se tourne vers le futur et elle veut gagner", a lancé Benoit Hamon, 49 ans, à l'annonce de sa victoire. Jusque-là considéré comme un poids plume de la politique française, il l'a emporté avec 58,65 % des voix contre 41,35% à Manuel Valls, selon des résultats partiels.
Son premier appel a été de tendre la main aux Verts et à l'extrême gauche pour "construire une majorité cohérente et durable" face à ses adversaires principaux, l'extrême droite "destructrice", menée par Marine Le Pen et la "droite conservatrice", incarnée par François Fillon.
"Nous refusons que sur fond de montée des populismes, (...) le visage de Marine Le Pen soit celui de la France", a martelé son rival à la primaire Manuel Valls, qui a déjà jugé "possible" la victoire en France d'une extrême droite galvanisée par l'accession de Donald Trump à la Maison Blanche.
Longtemps donnée au coude à coude avec le conservateur François Fillon, Marine Le Pen semble creuser l'avantage, selon un sondage publié dimanche. François Fillon, lui, est désormais talonné par l'étoile montante de la campagne, Emmanuel Macron.
Fragilisé par des soupçons d'emplois fictifs visant son épouse, l'ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy (2009-2012) s'est employé dimanche à faire un "démonstration de force" avec un grand meeting à Paris.
"Je n'ai peur de rien, j'ai le cuir solide" et "on ne m'intimidera pas", a lancé François Fillon sous les ovations de milliers de partisans. Il a plusieurs fois dénoncé les "intimidations" mais sans fournir d'explication concrète sur les 500.000 euros touchés par son épouse, comme "assistante parlementaire" et comme salariée d'une revue littéraire appartenant à l'un de ses amis.
A moins de trois mois de l'élection présidentielle, l'affaire a eu un impact négatif sur l'opinion des Français malgré ses démentis vigoureux et ses promesses de fournir tous les justificatifs à la justice, qui a ouvert une enquête. Une pétition; lancée surInternet, "Mme Fillon, rendez-nous ces 500.000 euros!"; a récolté plus de 190.000 signatures en quatre jours.
L'inquiétude de son camp est d'autant plus forte que la campagne a déjà été marquée par plusieurs rebondissements. L'éviction de Manuel Valls à la primaire de gauche confirme l'envie de changement des Français après la sèche élimination de l'ex-président Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite. Le renoncement inattendu du président socialiste François Hollande a aussi changé la donne.
A gauche, les promesses de justice sociale et de "futur désirable" de Benoît Hamon ont davantage séduit que l'expérience du pouvoir et l'autorité de Manuel Valls, malgré un contexte international difficile et la menace jihadiste en France.
"On a toujours besoin de rêves et d'un projet qui tienne la route", a estimé Annick Descamps, une architecte parisienne de 60 ans, qui a voté Hamon parce qu'"il apporte des principes dans la citoyenneté, la solidarité et la répartition des richesses".Sa vision innovante sur la transition écologique, le travail, la révolution numérique et sa proposition phare sur un revenu universel d'existence de 750 euros à terme ont également séduit. Mais Benoît Hamon n'est pas au bout de ses peines. Ecartelée entre plusieurs candidats aux antipodes, la gauche va devoir se rassembler pour se hisser au second tour.
A peine élu, le nouveau champion socialiste a souligné sa volonté de "rassembler la gauche et les écologistes" en s'adressant notamment au candidat vert, Yanick Jadot, ainsi qu'au tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon.Diùanche, ce dernier s'est dit satisfait des "paroles si proches des nôtres" du candidat socialiste, "un fait qui donnera ses fruits le moment venu".
Le dialogue s'annonce plus délicat avec Emmanuel Macron, ex-ministre de gauche repositionné au centre, qui fait salle comble ces dernières semaines et engrange un flux ininterrompu de ralliements. Signe de l'inquiétude qu'il suscite, celui qui se présente comme un candidat "hors système" a été particulièrement ciblé lors du grand meeting de la droite organisé dimanche à Paris.