Les chiffres du ministère de l’Intérieur français viennent de confirmer le faible taux de participation au 2e tour des élections législatives. Les Français votaient dimanche au compte-gouttes pour le second tour d'élections législatives qui promettent d'offrir une écrasante majorité de députés au président Emmanuel Macron et toute latitude à ce dernier pour lancer ses réformes face à une opposition laminée.
Seule l'ampleur de la victoire du parti présidentiel la République en Marche (REM) fait encore question. Il devrait emporter 400 à 470 sièges de députés sur 577, selon les sondages, soit l'une des majorités les plus importantes de la Ve République, née en 1958, ne laissant que des miettes aux autres partis.
Devant ce raz-de-marée annoncé, les électeurs semblaient bouder les urnes, lassés selon les politologues par une longue séquence électorale, qui a débuté en novembre avec les primaires de la droite. Seuls 17,75% des 47 millions d'inscrits avaient voté à 10H00 GMT, soit nettement moins qu'au premier tour du 11 juin (19,24%) et qu'au second tour du scrutin de 2012 (21,41%). A ce rythme, l'abstention pourrait dépasser le niveau historique (51,29%) atteint au premier tour.
"Un taux d'abstention pareil, ce n'est pas normal. Ce désintérêt général est révélateur du jemenfoutisme ambiant dans le pays. Le souci c'est qu'ensuite les gens vont aller râler dans la rue", regrettait Natacha Dumay, enseignante de 59 ans, à la sortie d'un bureau de vote de Pantin, en région parisienne. Les bureaux de vote seront ouverts jusqu'à 16H00 GMT et 18H00 GMT dans les grandes villes.
Le président Emmanuel Macron a glissé son bulletin dans l'urne en tout début de matinée dans la coquette station balnéaire du Touquet (nord), où sa femme Brigitte possède une résidence secondaire. Toujours à ses côtés lors des scrutins précédents, cette dernière n'était pas présente cette fois. Le chef de l'Etat s'est ensuite offert un long bain de foule, enchaînant poignées de main et selfies avec les curieux.
Inconnu il y a encore trois ans, élu à 39 ans face à des poids lourds de la politique, le plus jeune président qu'ait connu la France se voit en passe de gagner son dernier pari: obtenir une large majorité à l'Assemblée nationale lui permettant de lancer ses réformes libérales-sociales. Avec trois priorités annoncées: moraliser la vie politique, réformer le droit du travail et renforcer l'arsenal de lutte contre le terrorisme.
Au premier tour, le mouvement créé par Emmanuel Macron il y a tout juste un an avait rassemblé 32,3% des voix, balayant les partis traditionnels de droite et de gauche qui structurent la vie politique française depuis des décennies. Loin derrière, Les Républicains (droite) avaient obtenu 21,5%, la gauche radicale 13,7%, l'extrême droite 13,2% et le Parti socialiste 9,5%. Autant dire une opposition réduite à la portion congrue, en raison du système majoritaire français.
"Recherche opposition désespérément", titrait samedi le quotidien Le Parisien, résumant l'inquiétude face à cette assemblée largement monocolore. La droite ne peut espérer que 60 à 132 sièges, contre plus de 200 actuellement, selon les projections. Quant au Parti socialiste, qui contrôlait la moitié de l'Assemblée sortante, il pourrait se retrouver avec seulement quelques dizaines d'élus.
De leur côté, l'extrême droite et la gauche radicale, qui se rêvaient chacune en chef de file de l'opposition, n'ont pas réussi à réitérer leurs bons scores à la présidentielle.
Défaite par Emmanuel Macron, la cheffe du Front national Marine Le Pen est donnée favorite dans son fief nordiste d'Hénin-Beaumont, mais elle pourrait se retrouver quasiment la seule élue d'extrême droite. La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste espèrent quant à eux obtenir un nombre de députés suffisant (15) pour constituer un groupe parlementaire.
Menacées par la vague Macron, plusieurs personnalités bataillaient pour sauver leur siège, tel l'ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls ou Nathalie Kosciusko-Morizet, figure de la droite parisienne, agressée par un détracteur en fin de campagne.
Avec seulement 222 députés sortants au second tour, et 40% de candidates, c'est une Assemblée nationale profondément renouvelée et féminisée qui sortira des urnes. Ce grand chamboulement et l'irruption de très nombreux novices en politique -la moitié des candidats REM, issus de la société civile, n'ont jamais été élus- exaspèrent certains.
"Il suffit de mettre la tête de Macron et n'importe quel mulot fait 40% !", s'est emporté Alexis Bachelay, un député socialiste battu dès le premier tour, dans Le Parisien. Pour le constitutionnaliste Didier Maus, "on a tiré contre tout ce qui représentait un système antérieur et on essaie autre chose". Ce scrutin devrait déboucher sur "le plus grand renouvellement du personnel politique depuis 1958 et peut-être 1945", prédit-il.