Quelque 80.000 personnes ont manifesté dans l’ensemble du pays samedi contre les violences policières dans plusieurs villes de France, selon le syndicat CGT et le parti de gauche La France Insoumise, et environ 31.300, selon le ministère de l’Intérieur.
Une centaine d’organisations syndicales, politiques et autres collectifs de quartiers populaires avaient appelé à cette manifestation, qui a aussi reçu le soutien de 150 personnalités du monde de la culture et du cinéma, dont la réalisatrice récompensée par la Palme d’Or 2023 du Festival de Cannes Justine Triet.
Dans la capitale, après un départ dans le calme, un pré-cortège de centaines d’individus encagoulés s’est constitué, dégradant les vitrines d’agences bancaires et lançant des pierres sur une voiture de police, a constaté un journaliste de l’AFP. Cette voiture, coincée dans la circulation, a été attaquée «à coups de barre de fer», selon la préfecture de police.
L’un des policiers est alors brièvement sorti du véhicule, pointant son arme vers les manifestants pour les tenir à distance, selon plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, confirmées par une source policière. D’autres policiers arrivés en renfort ont fait cesser cette attaque. Trois des quatre policiers qui circulaient à bord de la voiture ont été légèrement blessés, a indiqué le préfet de police Laurent Nuñez sur la chaîne BFMTV.
«Nous sommes actuellement en train de travailler (...) pour essayer d’identifier les auteurs de cette attaque. D’ores et déjà nous avons trois personnes qui sont présumées être impliquées dans ces faits qui ont été interpellées», a ajouté M. Nuñez. Au total, six personnes ont été interpellées dans toute la France, selon un bilan communiqué dans la soirée par le ministère de l’Intérieur.
«Ça détruit des familles»
A Paris, la foule a scandé des slogans anti-police, tels «Police partout, justice nulle part», «Pas de justice, pas de paix» ou encore «Justice pour Nahel», en référence à l’adolescent de 17 ans par un policier tué le 27 juin, en banlieue parisienne, lors d’un simple contrôle routier. Sa exécution avait alors déclenché une vague d’émeutes dans tout le pays.
«La loi tue», dénonçait aussi une pancarte, avec une statue figurant la justice aux yeux barrés de rouge, critiquant un article du Code de sécurité intérieure qui élargit la possibilité pour les forces de l’ordre de faire feu en cas de refus d’obtempérer.
En juillet, le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) avait dénoncé la pratique « persistante » en France «du profilage racial combinée à l’usage excessif de la force dans l’application de la loi, en particulier par la police, contre les membres de groupes minoritaires, notamment les personnes d’origine africaine et arabe». Paris s’était élevé contre ces accusations jugées « excessives » et « infondées », assurant que « toute mesure de profilage ethnique par les forces de l’ordre (était) interdite en France ».
«Toutes ces injustices, ça détruit des familles», a regretté auprès de l’AFP Mohamed Leknoun, 27 ans, dont le frère Amine avait été tué en août 2022 à Tourcoing après un refus d’obtempérer. Venu manifester à Lille, où le cortège a rassemblé près de 2.000 personnes selon les organisateurs, il déplore n’avoir été informé d’aucune avancée de l’enquête depuis l’inculpation du policier auteur du tir il y a deux ans.